“J’espère que ça sera adapté en série !”
Ce commentaire, je l’ai croisé des centaines – peut-être des milliers de fois – au cours des vingt dernières années pendant lesquelles j’ai navigué sur le web des auteurices. Comme une planche à la dérive sur un océan infini. Identique à toute les autres. Mais, comme son nom l’indique, à la dérive. Sans but. Peut-être la planche d’un espoir pour cellui qui les amasse dans le but de construire un radeau et d’avancer sur les flots déchaînés de ce monde du livre pas toujours si tendre. Par le passé, j’étais encline à les récupérer, avide de construire mon navire trois mâts qui allait scier les vagues les plus hautes sur une musique symphonique épique. Je crois. Aujourd’hui, je les regarde passer tel un détail de décor que je connais par cœur, une espèce de figurant muet, qui se contente de flotter et de errer, quelque part, loin, dans ma tête.
La dernière fois que j’ai croisé cette “planche”, c’était vendredi dernier. Sur le TikTok d’un jeune auteur qui rêve de publier son livre dans une grande maison d’édition. Des années qu’il se bat, pour faire des recherches, pour écrire, pour progresser. Petit maillon de chance contrairement à ses dizaines de milliers d’apprentis écrivaillons : son TikTok en était déjà à 50k de likes vendredi. Et les inconnu.e.s enthousiastes se pressaient au portillon de ses commentaires pour y aller de leur encouragement. Son livre, je ne le connais pas. Si j’en ai appris les thématiques grâce à sa vidéo, j’ignore si son texte est bon ou mauvais, si le traitement des personnages est juste et équilibré. Un roman de Schrödinger ; tant qu’on ne l’aura pas ouvert, personne ne pourra connaître sa qualité réelle. Et pourtant, cela n’a pas empêché justement ces gentilles personnes de commenter :
“J’espère que ça sera adapté en série !”
Je lâche un sourire. Ca sera tout. J’essaie de me persuader de ne pas devenir cynique. Je travaille pour contenir mon sarcasme, de manière générale, car, au fond de moi, je sais que le cynisme est un mécanisme de défense qui ne fera que gangréner les petites lucioles qui sommeillent encore en moi. PopCultureDetective vous l’expliquera mieux que moi. Je souhaite à cet auteur de poursuivre ses rêves, c’est le principal. Car des rêves, j’en ai eus. Enormément. Je me suis battue pour eux, j’ai sacrifié pour eux. Ils sont toujours là et me guident… mais autrement, il me semble. Je ne poursuis plus mes rêves comme un enfant court après les pigeons. Non. Comme toute bonne trentenaire, j’invite mon rêve autour de la table, je lui propose un thé et des M&Ms, et je lui dis : “bon, faut qu’on parle”, et puis on pèse le pour et le contre. Quitte à se faire une to-do-list. Faire l’état des lieux étant parfois une étape douloureuse, on finit la soirée à disputer une partie de MarioKart pour détendre l’ambiance et on se quitte en sachant qu’on se retrouvera dans les jours à venir pour refaire de nouveau le monde ensemble.
Mais avant d’aller plus loin dans ma pensée, dans ma construction/déconstruction/reconstruction/abstraction de ma “folie des grandeurs”, permettez-moi d’établir quelques rappels et remerciements par rapport à cette newsletter. Vous êtes désormais 819 à suivre ce ✨blabla chatoyant✨ et je vous remercie d’être chaque fois plus nombreux.ses et de renouveler votre confiance, lettre après lettre. Je reçois certains retours très touchants et suis ravie de savoir que mes expériences font parfois écho à vos propres vécus, en mettant des mots sur des émotions complexes et des situations qu’on ne peut comprendre qu’en ne les ayant traversées. On se connaît, la team auteurices. 👊
Je ne suis plus aussi régulière qu’en 2024, faute aux bouleversements professionnels. J’aurai souhaité plus de discipline, puis la vie a pris le pas. Et les deadlines aussi, comme je vous l’avais expliqué lors de la dernière lettre. Mais je blablate désormais à peu près une fois par mois. Ici, on parle écriture. Analyse de personnages, de thématiques, le vécu des auteurices au milieu d’un monde édito aussi fangeux qu’un marécage de slime à effet sable mouvant.
Ces lettres peuvent être sourcées comme elles peuvent être le fruit de mes seuls ressentis personnels. Aussi, gardez toujours l’esprit critique. Ca sera toujours l’un des motus me concernant, quel que soit le réseau social. Ne cessez jamais de remettre ma parole en question. Je sais que ce n’est pas toujours quelque chose de naturel, notamment sur les RS, où on invite à la réaction spontanée et émotionnelle, avec des contenus engageants, parfois mensongers ou du moins falsifiés. Et vous n’imaginez pas le nombre d’images et de “paraître” qu’on vous sert pour attirer un capital sympathie dans le monde de l’autorat… Dans cette newsletter, je vous propose un espace pour se poser, réfléchir ensemble et, je l’espère, avancer ensemble.
En attendant, n’oubliez pas de vous abonner si ce n’est pas déjà le cas pour ne rien manquer des prochaines lettres !
✨ Une naïveté à protéger à tout prix
De toute façon, un jour, je deviendrai une autrice célèbre et je publierai mes livres chez Hachette.
Je me revois tout à fait avoir cette pensée. C’était exactement en 2007, devant la porte d’entrée de la maison familiale, alors qu’on me forçait à quelques courses, interrompue pendant une session d’écriture entraînante. Cela faisait à peu près un an que j’avais commencé à écrire “sérieusement”. A cette époque, je postais les tout débuts des Fleurs d’Opale sur un forum consacré à Eragon, me gargarisant des retours des quelques membres qui lisaient mes lignes. Lycéenne le jour, je me vouais à cette nouvelle obsession de nuit et d’aube, ou le week-end, quand l’ordinateur familial n’était pas réquisitionné par quelqu’un d’autre. Un centre d’intérêt qui prenait une place énorme et qui était devenu un pan entier de ma personnalité. Aussi, le rêve allait de pair. La célébrité, les ventes colossales, les dédicaces avec des files au kilomètres et l’adaptation en films (à l’époque, on était plus films que séries). Je rédigeais plein de fiches personnages pour prouver à quel point mes personnages étaient complexes, je bricolais des trailers sur Windows Movie Maker avec la musique de Requiem for a Dream pour donner un côté épique et me donner l’impression que oui, mon histoire serait le prochain Blockbuster, le Seigneur des Anneaux de sa génération.
Avec le recul, je suis à la fois touchée par la naïveté de cette ado. Mais j’ai envie de lui expliquer que ça ne marchera pas ainsi et que c’est tant mieux. Oui, j’ai envie de lui dire, parce que je sais que la descente de ce nuage sera extrêmement douloureuse. Cependant, ça n’est pas à moi de le faire. C’est au temps. Et cette idée-là, de l’œuvre du temps, c’est quelque chose que j’essaie d’appliquer quand je croise des jeunes auteurices dans la même dynamique que moi, vingt ans en arrière. C’est difficile. Je veux leur dire, pour limiter certaines souffrances qui vont de paire avec cette violente vérité. De vivre le rêve autrement. Mais je refuse qu’iels baissent les bras en pensant qu’il n’existe aucune alternative viable ou réaliste. Au mieux, j’aimerais qu’iels me prouvent que j’ai tort. Ca, ça serait merveilleux.
Néanmoins, je ne peux pas m’empêcher d’en vouloir aux gens qui, même s’iels souhaitent alimenter ce rêve, le nourrissent de chimères. Il y a notamment UNE phrase qui me met hors de moi chaque fois que je la lis, dans la section commentaires des Threads de refus éditoriaux :
Tu sais, Rowling a été refusée X fois avant d’être publiée et ceux qui l’ont rejetée s’en mordent les doigts aujourd’hui !
Arrêtez. Vraiment, arrêtez.
Cette phrase prouve déjà une chose : vous n’avez pas d’autre exemple. Il n’y a que Rowling qui revient en bouche. Elle est LA figure d’exception. Celle qui fait rêver, oui, mais au même titre que Frane Selak, c’est une erreur dans la matrice statistique. Si vous ne connaissez pas Frane Selak, voici quelques faits : c’est un homme qui a été le seul survivant d’un accident de train, d’un crash d’avion, de deux accidents de bus, de deux incendies de voiture et il a gagné près d’un million d’euros au loto après tout ça. Voilà.
L’autre point, c’est qu’en admettant que le 6ème éditeur ait accepté Rowling à la place de Bloomsbury, au lieu qu’elle essuie X autres refus supplémentaires, peut-être qu’Harry Potter aurait fait un flop. Parce que pas le bon timing, pas la bonne couverture, pas les bons coups de pouce, pas le même accompagnement de la ME… et vous n’auriez jamais eu cette anecdote à raconter. Puisque vous n’auriez jamais connu Harry Potter. Aussi, ce commentaire qui se veut “rassurant” ne démontre qu’une chose : une méconnaissance du monde du livre. Parce qu’un succès fonctionne généralement sur la recette fragile et incertaine : texte de qualité + thématiques “fortes” + soutien de la ME / marketing de qualité + bon timing de publication (notamment question de l’offre et de la demande, donc répondre à une demande du lectorat à ce moment-là) + facteur chance. Si l’un de ces éléments n’est pas réuni, difficile d’entrevoir une réussite (quoique. On a déjà vu, et pas qu’une fois, des textes de qualité discutable devenir hype. HM. KEUFKEUF.) Même si parfois, on a des petites surprises, des succès qu’on ne voyait pas venir arriver.
Ce que je veux dire par tout ça, c’est que l’expérience donne de nouvelles perspectives à la vision que l’on a du monde de l’édition. Il y a un fossé entre le fantasme idéalisé des profanes qui imaginent que les écrivains vivent tous de leurs plumes, riches et célèbres, et la réalité d’un monde du livre francophone qui peine à survivre sur certains aspects.
✨ Un modèle à l’époque
Les années passant, j’ai migré vers d’autres plateformes, ai commencé à fréquenter de plus près les salons, les maisons d’édition, me faisant prendre conscience de certaines réalités. Certaines. Et j’insiste. Je pensais, à l’époque, avoir tout découvert, tout compris. Comme la pionnière d’un nouveau monde, convaincue qu’elle connaissait déjà tout juste en balayant du regard. Que nenni. J’avais simplement débusqué le petit orteil d’une statue gigantesque (et pourtant, j’aimais bien déjà me vanter à l’époque en connaître un rayon… ah, clairement, 2010, si j’avais bien un défaut, c’était mon manque cruel d’humilité. Ou mon trop plein d’assurance, à vous de choisir, selon si vous m’appréciez. Ou pas).
L’avantage d’être têtue et d’avoir un petit excès de confiance en soi liée à la jeunesse naïve, c’était que j’étais prête à tout. Tant que je n’avais pas essayé, cela signifiait que ce n’était pas impossible. J’ai beaucoup accompli ainsi, donc je ne peux pas nier que ce culot a été un premier départ, là où des doutes ou un syndrome de l’impostrice m’aurait cloué au sol avant même de m’envoler. Je voulais construire mon succès. Le mériter.
And back to 2010, j’avais une idole : c’était la violoniste Lindsey Stirling, qui perçait tout juste sur Youtube. Pour celleux qui ne la connaîtraient pas, Lindsey Stirling performe sa musique tout en dansant. Après un passage catastrophique sur America’s got talent, elle a persévéré et ses vidéos, avec des compositions originales comme des reprises d’airs bien connus, sont devenues virales. Je suis allée la voir en concert, la première fois, en juin 2013. Son premier concert en France. Nous étions dans une petite salle de concert en banlieue lyonnaise, pour laquelle j’avais dû prendre trois bus différents, loin des grands halls ou des arenas. Quelque chose de presque intimiste.
Et à un moment, entre deux morceaux, elle nous a raconté son parcours. A quel point elle s’était battue. A traverser le pays en avion, à en dormir sur des bancs, pour participer à des petits concerts minables, histoire de se faire connaître, à droite à gauche, et qu’elle avait enfin l’impression de voir le bout du tunnel. Que ça y était. Elle touchait enfin du doigt un espoir de consécration. Cet American Dream. Et qu’il fallait donc continuer d’entretenir ses rêves, de les atteindre, bribe par bribe, de ne rien lâcher. Puis, sur ces jolies paroles encourageantes, elle entame le morceau Song of the Caged Bird. Je me souviens fondre en larmes, sans comprendre tout à fait pourquoi, si ce n’est avec la certitude que ses paroles m’ont eu en plein coeur.
J’ai particulièrement pensé à Lindsey Stirling en mars 2018. Un week-end, je dédicaçais les Fleurs d’Opale, dont les deux premiers tomes allaient fêter leur premier anniversaire, sur un petit salon toulousain. Et plutôt que de me proposer une chambre chez l’habitant, comme un certain nombre d’exposants, parfois réunis à plusieurs pour plus de convivialité, l’organisation m’a bloqué un lit au CROUS du coin pour la nuit. Livrée à moi-même, je me revois arriver dans un quartier glauque, un samedi soir, avec un dîner qui s’était moyennement bien passé, galérer à pouvoir entrer car le gardien ne comprenait pas qui j’étais. On me présente ma chambre. Le CROUS dans toute sa splendeur, avec son matelas en mousse épais comme une feuille de PQ, ses murs moisis, son lino crado qui se détachait dans les coins. On avait oublié de me fournir des draps, j’ai du redescendre pour en réclamer et essuyer les grommellements mécontents du gardien, qui avait autre chose à foutre de son samedi soir 23h30. Je n’étais “personne”, je n’allais pas râler. Alors j’ai dormi sur mon lit de fortune, dans le froid, l’humidité et l’odeur du pourri, et le côté optimiste de mon esprit s’est dit :
Ca y est, tu vis ton “Lindsey moment”. Elle, c’était les halls d’aéroport. Toi, ce sont les chambres miteuses du CROUS.

Une sorte de canon event. De passage obligatoire vers le succès.
Aujourd’hui, je ne serai plus dans la même dynamique. Pas une question de non-modestie, mais juste de respect élémentaire en tant qu’invitée. Mais à l’époque, j’étais prête à sacrifier mon confort et mon énergie pour les dédicaces, pour me “faire connaître”. Je multipliais les salons, les kilomètres, les volumes de cartons. Mais je fermais ma gueule. Je laissais tout passer, pour ne pas me fermer de porte. Je ne voulais pas me mettre un orga à dos en faisant ma “diva”, louper une vente en décidant de partir plus tôt, parce que personne dans l’événement. Dans ma tête, si je voulais que le destin me félicite, je devais tout accepter. Surtout le pire.
Bullshit.
Enfin. On ne va pas refaire le passé. J’y ai appris beaucoup et je sais désormais ce que j’accepte, ce que je n’accepte plus. Je pense qu’on passe tous plus ou moins par ce genre de phases, qui posent néanmoins problème à l’ensemble de la profession. Tout comme en illustration, quand les débutants bradent leurs prix, au point de casser les fourchettes établies, au risque de dévaluer les services du métier tout entier. Je me suis rendue compte que c’était la même chose, côté auteurices. Refuser les mauvais traitements et se battre pour une juste rémunération, c’est aider celleux qui passeront après nous. Car cela ne fait pas plaisir d’essuyer des abus sous l’excuse de “oui mais Truc, avant vous, avait accepté sans broncher !”. Il m’arrive encore de faire du “bénévolat” pour des causes qui me tiennent à coeur ou pour donner un coup de pouce à des amis, tout en soulignant bien qu’il s’agit d’un traitement de faveur, mais désormais, je fais beaucoup plus attention. J’ai bien conscience que l’édition traditionnelle m’a donné ce privilège, mais les auteurices auto-édité.e.s, à terme, j’espère vous aussi que vous serez rémunérés pour des interventions, et, soyons fous, peut-être même un jour défrayés de vos déplacements !
Pour en revenir à nos violons ; j’ai continué à suivre Lindsey Stirling quelques années durant. Je suis retournée à la voir deux fois en concert. Chaque fois les queues depuis 11h le matin, les courses dans les couloirs, les fosses, dans des salles chaque fois plus grande, jusqu’à l’Arena Bercy en septembre 2019. Elle a ressorti ses mots larmoyants sur les rêves, les espoirs, le destin, les anges gardiens, le touin-touin. Cette fois, j’ai pas pleuré. J’ai soufflé.
Une innocence s’était brisée entretemps. J’avais compris que ce n’était pas seulement le goût de mon rêve qui m’amènerait là-bas, mais le labeur. Les échecs. Les doutes. Un parcours du combattant à la Rambo, pas une route arc-en-ciel à dos de licorne.
Depuis, je n’ai pas écouté de nouveau morceau de Lindsey. Les anciens passent toujours sur mes playlists. Mais comme ma conception de ma place d’autrice, ma vision de Lindsey a changé. Je suis passée à autre chose.
✨ Derrière la table de la bulle
Tout.e auteurice de l’imaginaire partage un même rêve ultime : dédicacer dans la célèbre bulle des Imaginales d’Épinal. Cet événement annuel en extérieur accueille des milliers de visiteureuses sous ses chapiteaux, et notamment dans le complexe de la Bulle. Si le paradis et l’enfer devaient coexister en une seule entité, je pense qu’ils prendraient PRÉCISÉMENT la forme de la Bulle des Imaginales.
Paradis, parce que je vous laisse imaginer un espace où sont rassemblés les auteurices les plus emblématiques de l’année. Les plus belles sorties et avant-première, des romancièr.e.s internationales.aux que l’on ne voit que sur TikTok. On croise dans les foules quelques influenceurs, on grapille des marque-pages, on slalome entre les queues gigantesques de dédicaces, on s’arrache le dernier titre à la mode. Le Disneyland de Booksta.
Enfer, parce que, sensoriellement parlant, autant nous mettre directement dans un four avec 200 décibels, ça sera plus rapide. J’en avais parlé dans ma lettre sur la neuroatypie, mais on se sent très vite submergé par ce “trop plein”. Trop de bruit. Trop de chaleur. Trop de gens. Trop de mouvements. Trop d’attente. C’est l’oppression… Et parfois, trop peu de livres (car les ruptures de stock s’enchaînent vite).
Quand tu es auteurice de l’imaginaire, être de l’autre côté de la table est signe de consécration. Les libraires courent derrière pour encaisser, pour ramener des piles de livres devant soi. Et d’un point de vue de spectateur, les auteurices sympathisent entre eux. On suit, sur les stories, dans les posts, les amitiés, les pots au Bougnat les soirs, là où tous les réseaux se font. Une grande famille, pourtant très fermée, à la fois si proche et si inaccessible.
Ma première visite des Imaginales remonte à mai 2016, tandis que je commençais déjà à réfléchir à mes projets d’auto-édition. Et je m’étais promise :
Un jour, je dédicacerai dans la Bulle du Livre.
Après l’auto-édition des Fleurs d’Opale, j’ai débuté les Imaginales en tant qu’exposante en 2018, sur des petits barnums extérieurs, plus ou moins bien placés. Je me suis creusée une place et j’ai chéri ces week-end en compagnie de mes ami.e.s. Mais je traînais une frustration : celle de ne pas être dans la Bulle. Les Imaginales ont ce côté élitiste bien affiché. Celui des auteurices invité.e.s et les autres. Les autres qui paient leur emplacement (très cher), leurs repas. Les autres qui ne méritent pas d’apparaître sur leurs réseaux sociaux. Les autres qui ne sont pas conviés au pot des auteurices/éditeurices du vendredi soir. Les autres qui ne sont pas considérés, en bref.
Est arrivée l’édition catastrophique post-covid d’octobre 2021, lors duquel mon stand avait été placé devant la soufflerie de la Bulle du Jeu. Brouillard, pluie, pas de public car emplacement complètement excentré du reste du festival. Bref, un moral dans les chaussettes, l’impression d’être définitivement un rebut d’écrivaillon. Heureusement, mon amie Nathalie Bagadey, autrice auto-éditée invitée par l’événement (la première !) m’a affirmé :
J’en suis sûre. Un jour, ça sera toi.
Je n’ai pas voulu la croire, dans un premier temps. Puis, trois mois plus tard, je recevais le “oui” d’Hachette Romans pour le projet qu’ils m’avaient proposé de construire pour leur collection, et Persona allait voir le jour. L’invitation pour les Imaginales, je l’ai reçue en octobre 2022, soit 6 mois avant la sortie (et un an après les paroles de Nathalie), avec énormément d’émotions. Ca y est. J’allais accomplir mon rêve des Imaginales : dédicacer dans la Bulle du Livre.
Je vais la faire courte, plutôt que de raconter en détails ce qu’il s’en est suivi. Parce que rien que d’en parler me rend verte. Mais je garde des Imaginales 2023 un souvenir… mitigé. Presque douloureux. Puisqu’on m’a annoncé le vendredi, entre deux créneaux de dédicaces sur la route des toilettes que la publication de la suite (tome 3 & co.) était déjà compromise (les ventes des deux premiers mois au plus haut de la crise d’inflation nationale n’ayant pas été aussi concluantes que prévu). Et pourtant, cela ne m’a pas empêché de faire rupture de stock le samedi matin à 10h. Je me souviens être arrivée le samedi à 9h, essayant de me remettre des dernières annonces qui m’avaient empêché d’en dormir la nuit, et découvrir à ma table six livres. Six petits livres, étalés pour faire cache-misère.
“C’est tout ce qu’il nous reste !”, clame fièrement le libraire.
Je me revois garder mon sang-froid et articuler tout doucement : “c’est une blague ?”
Mais non, ça ne l’était pas. Il avait l’air heureux. C’était un succès, il repartirait léger. Je suis sortie dehors aussitôt et j’ai pleuré de tout mon soûl, sur une botte de foins. J’ai passé le reste du week-end à dédicacer sur une table presque vide (heureusement que j’avais pris mes Fleurs d’Opale avec moi), le visage défoncé par le démaquillage express des larmes, à devoir accueillir la déception de toutes les personnes qui étaient venues exprès pour se procurer un exemplaire de Persona.
Finalement, j’ai essayé de me réconforter en passant du temps de qualité avec mes collègues auteurices. Notamment les autres, restés dehors. Parce que finalement, même si je dédicaçais dans la Bulle cette année-là, je n’étais pas bien différente. Je suis d’ailleurs redevenue une autre, en mai 2024. A croiser plein de regards étonnés “ah mais vous êtes là ?! Le site internet ne vous a pas mentionnée”. Oui, oui. Je sais. Cette expérience supplémentaire m’a fait prendre conscience et j’ai fait le choix de ne plus être une autre. Tant que cela ne sera pas revu, je ne veux plus laisser l’opportunité à ce système de me laisser sous-entendre que je, que mes écrits, valent moins que ceux qui sont dans la Bulle.
A mes yeux, pour le moment, je n’ai pas dédicacé dans la Bulle. Du moins, pas comme je l’aurais souhaité. J’espère un jour guérir ce qui a pu s’y produire et je suis certaine que cela ne pourra que mieux se passer. Passer toujours plus de bons moments avec mes ami.e.s auteurices, lecteurices et éditeurices. Mais au final, mon plus grand rêve d’autrice n’était pas si formidable que ça.
✨ Rattrapage à Montreuil ?
Il serait totalement légitime de me dire : “meuf, c’est déjà ENORME ! Et EN PLUS, la même année, t’as fait Montreuil”. Certes. Complètement. Dédicacer à Montreuil était sur ma bucket list. Pourtant, je n’y avais jamais mis les pieds avant ma dédicace là-bas. Depuis le temps que j’en entendais parler. Je me nourrissais des stories que je voyais passer sur mon feed depuis des années, avec un mélange de jalousie et d’excitation. Si les Imaginales se concentrent sur l’imaginaire, jeunesse et adulte mélangés, le Salon du Livre Jeunesse de Montreuil, qui a lieu chaque premier week-end de décembre, rassemble, comme son nom l’indique, le jeune public. Et moins jeune. Puisqu’il n’y a pas d’âge pour lire de la jeunesse !
On me contait depuis si longtemps les files interminables, le bruit, l’usine. Contrairement aux Imaginales, pas d’élitisme visible : c’est simple, les petits éditeurices ou auto-édité.e.s ne sont tout simplement pas conviés. Ce qui renforme le côté inaccessible de l’événement. Signer avec Hachette Romans était un ticket d’office pour y signer l’année de parution. Soit décembre 2023. Je me souviens du trajet en train rocambolesque (dans la même rame que Lys Krysler, pendant que Mary Orchard m’envoyait des GIF à paillettes pour faire redémarrer la ligne, à l’arrêt depuis des heures), de comment je me suis retrouvée bloquée dans le métro en voulant aider une vieille dame qui m’a fait bénéficier de son pass Navigo pour entrer par les bornes… pas pour en sortir.
Le matin, je revêts ma personal revenge dress. Avec ma personal revenge broche. Histoire de me donner de la force. Je récupère mon badge, je filme par-ci par-là pour ma vidéo post-salon. Je prends mes marques, tant qu’il n’y a pas trop de monde. C’est EXACTEMENT comme je m’imaginais. A un détail : c’était PETIT. Habituée aux Salons du Livre de Paris ancienne édition à Porte de Versailles, j’ai trouvé Montreuil très réduit, niveau espace. J’aurai deux créneaux de dédicaces : un le samedi matin, un le dimanche en fin de journée. La foule commence à arriver et, faisant semblant d’être discrète, je me promène devant le stand. Une queue se forme et je vous jure que jusqu’à ce que je pose mes fesses sur le siège, je refusais de croire que tous ces gens étaient là pour moi.
Le rêve de la queue est quelque chose de très commun chez les auteurices (titre) (pardon, elle était très facile celle-là) (l’endroit était parfait pour l’insérer) (re-titre). Rassembler du monde qui ATTEND pour nous. Signe visible d’un succès public. Les curieux autour, “c’est qui qui attire autant de monde ?”. J’en ai vues des queues. (par pitié, je fais ce que je peux). Des gigantesques, des artificielles (oui oui), des fluides. (à ce stade, je suis en train de pleurer de rire en écrivant ma propre newsletter car mon humour est cassé). Il m’était arrivé d’en avoir une à Mons Livre, mais jamais de l’ampleur de celle de Montreuil.
Pourtant, un point noir. Le bémol. Le cheveu dans la soupe. A ce stade, le poil de cul dans la soupe au homard.
Je n’avais pas de tome 1.
Oui.
Je m’installe, devant moi, que des tomes 2. Il y a le stock (puisque j’ai appris plus tard par mon petit doigt que les tomes 2 n’avaient pas été sortis sur table les deux jours précédents sur directive. Car “tous abîmés”. Et seulement sortis pendant mes créneaux de dédicaces). La libraire bénévole, en panique : “on est désolés, on ne trouve plus de tome 1. Je crois qu’on a tout vendu”. Le feeling des Imaginales qui revient au galop. Il est samedi 10h. Je n’ai pas commencé les dédicaces. Et c’est déjà la dèche. Pourtant, je garde mon calme, le sourire. Zen. J’ai ma revenge dress, j’ai une queue (pleure). Rien ne peut m’arriver. Alors, je dédicace non stop, de 10h jusqu’à… 12h30. J’ai fait 1h de rab sur l’espace en face afin d’aller jusqu’au bout de la… file d’attente. Encore une fois, plein de déçu.e.s “j’étais venu.e prendre le tome 1” (puis la loose, quand en plus tu viens de te taper 1h de queue). Mais cette fois, j’ai VRAIMENT pris de la distance et j’ai d’autant plus apprécié le moment. J’ai passé un week-end génial, même, avec les copines autrices, et avec la surprise d’être reconnue et arrêtée dans les allées du salon par des gens qui me connaissaient… mais que je ne connaissais pas. Les joies du parasocial !
Vous voulez savoir où étaient passés les tomes 1. Le carton perdu a été retrouvé sous une table à 16h. Les tomes 1 étaient donc bien là pour la dédicace du dimanche. Ouf.
Bref. Pour les deux fois, donc, faute à personne. Sauf à malchance.
En fait, je pense qu’il s’agisse des Imaginales, de Mons, de Montreuil, ma crainte, c’est de décevoir les gens. En dédicaces, je suis là pour offrir une expérience. J’en avais longuement parlé lors de ma lettre sur les salons du livre, mais je mets mon introversion au placard et je fais en sorte de rendre ce moment unique. Ces jours-là, des lecteurices, j’en rencontrerai des centaines, mais vous ne rencontrerez qu’une seule Ielenna. Et il est donc de ma responsabilité de vous accueillir à la hauteur et de passer un bon moment avec chacun.e d’entre vous. Or, quand les conditions ne sont pas remplies, ça me chiffonne. Car je me dis que l’expérience n’a pas été parfaite. Je n’ai jamais voulu décevoir qui que ce soit. Et ça ne changera jamais.
✨ Des rêves inatteignables ?
Pour l’exercice, l’année dernière, j’avais monté un post Instagram répertoriant mes plus grands rêves d’autrice. Certains ont pu se réaliser entre-temps. Comme “voir son livre traduit” ou “avoir son livre étudié en classe”. D’autres, peut-être, viendront plus tard, pour d’autres oeuvres, comme “entendre le livre audio de son roman”. Mais force est de constater qu’on est très loin du “voir son livre adapté en film et gagner cinq Oscar” auquel on aspire tous deux mois après avoir pris la plume de manière régulière.
Le fait est que nous restons, heureusement ou malheureusement, des auteurices francophones. J’y consacrerai une lettre plus complète, car vous connaissez mon amour sur le sujet, mais nous ne bénéficions clairement pas du même traitement que les auteurices traduits, et notamment anglo-saxons américains (parce que je pense que les auteurices italiens ou allemands sont dans la même galère que nous). Non, je ne recevrai jamais de contrat à 6 chiffres. Non, je n’aurai pas d’option par Netflix six mois avant la parution. Non, je ne verrai jamais de merch de mes univers en grandes conventions, avec des cosplays de mes personnages (même si Diphtil a déjà été cosplayée plus d’une fois !). Mais on peut continuer de rêver en revoyant l’objectif à la baisse. Rien que le fait d’avoir une adaptation pièce de théâtre, même si c’est pour un jeu au théâtre Pierre-Paul-Jacques de Limoges (pardon encore, les Limougeauds, vous prenez parfois les balles perdues !), ça ne serait pas formidable, comme reconnaissance ?
Ce qui me rend extatique, ce sont les fan arts. J’ADORE les fan arts. Ces illustrations des personnages imaginés par les lecteurices. Certain.e.s d’entre vous sont très doué.e.s d’ailleurs ! Voir les personnages prendre vie sous votre crayon. Je fais peu état des détails, considérant qu’il s’agira de visions d’artistes. Mais chaque fois que j’en reçois un, une petite étoile s’allume dans mon cœur, chaque personnage a un nouveau visage. Ces fanarts, je les garde précieusement. Pour certains, je les accroche au mur qui me fait face, quand je suis au bureau, sur l’ordinateur. Pour me rappeler que mes personnages vivent en dehors de ma tête et qu’ils occupent les pensées des lecteurices. Qu’ils ont eu, quelque part, un impact. Cela me motive tellement.
Quand on y pense, ça, c’est un accomplissement. De même que tous les messages très touchants, des gens qui témoignent de leur lecture, de ce que cela a pu leur apporter. Et que c’est ça, le coeur de l’écriture. Un partage. Simple. Pur.
LA base, quoi. Comment en arrive-t-on à se réjouir de la BASE ! On perd vraiment pied, quand on est auteurice, des fois.
D’où un questionnement élémentaire, par rapport à tout ce que j’ai énoncé au-dessus, depuis le début :
Se condamne-t-on à tou.te.s être des auteurices malheureux.ses ?
A rêver adaptations cinématographiques qui n’arriveront jamais (ou que, si elles arriveront, cela ne garantira pas que ça sera un gros flop ?). A s’imaginer déplacer des foules pour faire 3h de queue sous la pluie à la librairie Mollat ? A répéter dans sa tête l’interview fictive qu’on donnera à un magazine grand public ou sur un plateau télévisé ? A se figurer recevoir un prix de littérature, inaccessible de base aux francophones, comme le prix Hugo ?
Et qui, au final, n’arriveront qu’à moitié à se réjouir d’autres réussites, déjà énormes aux yeux de beaucoup ?
Cela fait longtemps que je rêve et que je répète que je l’ai atteint, en grande partie, et que je continuerai un bout de route à ses côtés. Néanmoins, ce n’est pas le rêve qui me fera progresser.
C’est le travail.
✨ C’est en forgeant qu’on devient forgeron
Et c’est en écrivant qu’on devient auteurice.
Sauf que dans nos temps actuels, l’auteurice revêt énormément de casquettes. S’est ouvert le débat sur Threads de la place de l’auteurice dans sa propre communication, notamment pour la promotion de ses livres. En effet, beaucoup pensent que les maisons d’édition valorisent de plus en plus les contrats avec des auteurices sachant communiquer avec leur communauté. Désavantageant les petit.e.s, les débutant.e.s, les fameux.ses autres. Le débat allait plus loin que cela, puisque la personne à l’origine de ce thread polémique proposait, à cette issue, une formation payante pour offrir aux jeunes (et moins jeunes) égaré.e.s les outils d’une communication infaillible et s’assurer le succès.
Je ne nie pas, et ne nierai jamais, l’importance d’une bonne communication, tout en rappelant que ce n’est pas le rôle de l’auteurice. Qui est celui d’écrire.
Toutes les casquettes, je les ai eues. Et je me suis beaucoup investie pour chaque. Réduisant, au final, l’essence même de mon travail de création à peau de chagrin, fut une époque. Sauf que cela n’a aucun sens de vendre du jus de raisin comme du vin et ne pas comprendre pourquoi on n’arrive pas à se faire une place dans le monde de l’œnologie. J’aurai beau mettre au point tous les plans marketing les plus élaborés du monde, je n’atteindrai pas plus vite mon rêve si je ne travaille pas.
J’aiguise le rêve avec les mots. En faisant mes preuves sur mon vieux Word 2010 toujours aussi fidèle à la tâche. Dans cette lutte, dans cette quête d’un rêve revu à la baisse pour cajoler ce bonheur au long cours, il n’y a que moi et moi seule. Moi face à mes limites. Moi face à la zone de confort. Moi et mes certitudes. Je peux pleurer toute ma vie, si je le voulais. Me lamenter. Clamer à l’injustice. Dénoncer. Mais ça n’a aucun sens.
Je n’arracherai pas un rêve de succès ; je m’assure la fierté d’être chaque jour une meilleure version d’autrice que la veille. Et c’est déjà un succès en soi.
Je veux rester alignée avec mes valeurs ; aspirer à un semblant de paix ; que mon travail soit reconnu comme tel et non pas comme un acte charitable de bénévolat. Je n’arrive pas à savoir si c’est trop demandé.
Et je pense que c’est pour ça que j’ai arrêté de suivre Lindsey Stirling. J’en avais marre des paillettes et d’un monde rose idéalisé, où il suffit d’un coup de pouce et POUF, tout est merveilleux, rien n’est jamais remis en question. Où le labeur semble, tout à coup, prendre fin. Dans nos créations, on n’obtient jamais rien de mieux que les mains dans le cambouis. Le sourire jusqu’aux oreilles, certes, avec des moments compliqués parfois, certes, mais au coeur-même de l’acte créatif.
✨ D’ailleurs, pourquoi vouloir le succès ?
Le titre de cette partie laisse entendre que je suis prête à me lancer dans une dissertation philosophique, mais il n’en est rien. Faire le point sur moi-même me suffit, mais je pense qu’il est intéressant que chacun.e comprenne les mécanismes qui l’amène à : écrire ; vouloir partager ses écrits ; espérer une reconnaissance.
De mon côté, je souffre du célèbre syndrome de la fille aînée. Perfectionniste et névrosée. Celle qui ne pensait n’obtenir de l’amour que si elle réussissait. J’ai laissé très peu de place à l’échec, ce qui a pu d’ailleurs me paralyser. Je devais exceller, scolairement, artistiquement. Et je m’horrifiais des makomoulages rose et kaki de mon frère, tandis que je suivais scrupuleusement le modèle sur la photo de la boîte. Et je ne comprenais pas pourquoi ce même frère obtenait des compliments pour un 12/20, tandis que 14/20, j’aurai pu faire mieux. Nous étions des enfants différents, avec des mentalités et des processus différents, c’est normal. Mais dans ma tête, j’avais de la valeur seulement dans la réussite.
L’excellence scolaire ne s’accompagnant pas de son lot de réussites sociales, domaine dans lequel j’ai vachement plus galéré, j’ai trouvé mon compte dans les communautés d’écriture virtuelles, dans les années 2000, là où toute la communication reposait sur les mots. J’avais une place, un rôle, une reconnaissance. Avec le temps, même, une pseudo-”expertise”. Sauf que je n’ai jamais vu les choses à moitié. Petite, j’hésitais entre devenir grande journaliste au JT et présidente de la république (et fermière). Je voulais une existence pour donner corps à mes réussites “scolaires”. Et cela s’est ensuite répercuté dans le domaine de l’écriture. Ce qui est complètement con. Moi, grosse introvertie, très heureuse de ses week-end plaid, je voulais devenir “célèbre”. Paie ta logique.
Je ne peux pas nier ou tout rejeter en bloc. Cette ambition démesurée m’a amenée là où je suis aujourd’hui, car je me donne toujours les moyens de réussir. Cette persévérance est à la fois l’une de mes meilleures qualités et ma propre damnation. Aujourd’hui, j’apprends à ne pas m’aliéner avec et d’accepter que les échecs, aussi relatifs soient-ils, font partie du lot, de l’apprentissage.
Dit celle qui a pourtant réalisé son rêve innocent de 2007. En partie.
Comme disait frère Bartholomée dans Persona tome 2 :
Il y a parfois plus de noblesse dans un échec que dans un succès que l’on arrache à tout prix.
C’est un peu ma philosophie du moment, tandis que j’ai accepté être attachée sur une roue de fortune, qui tourne sempiternellement. Je vis, j’avance, j’écris surtout, et je verrai bien où le courant m’emmènera.
Pour conclure cette (toujours aussi longue) newsletter, voici donc quelques rêves d’autrice accessibles, mais non pas moins importants :
Continuer à me réjouir des sorties et des succès de mes ami.e.s auteurices,
Rencontrer toujours plus de belles personnes parmi mon lectorat,
Continuer de faire rêver ne serait-ce qu’une personne,
Assister à la naissance de belles plumes,
Voir l’imaginaire francophone rayonner et être reconnu à sa juste valeur,
Assister au succès d’événements autour du livre et de la littérature,
Et surtout : ne jamais arrêter d’écrire.
✨ Ma recommandation du mois
Ma première lecture du mois a été Yellowface, et je dois admettre que le livre rentre TOTALEMENT dans le thème de cette newsletter et jusqu’à où on est près à aller pour obtenir le succès en tant qu’auteurice. Spoiler alert : ne faites pas comme la protagoniste.
Résumé : Athéna et June sont amies et toutes deux sont autrices. La première écrit des livres à succès et vient de signer une option avec Netflix ; la seconde galère à vendre sa plume, à peine considérée par son éditeur qui cherche à se débarrasser d’elle. Jusqu’au jour où Athéna meurt accidentellement sous les yeux de June, laquelle décide de voler le dernier manuscrit de son amie décédée pour le publier à sa place…
Ce livre est extrêmement réaliste, tant concernant le monde impitoyable et hypocrite de l’édition, que sur les engrenages des réseaux sociaux autour de la littérature. Ce livre traite de plagiat, certes, mais aussi d’appropriation culturelle, de la place des auteurices racisés dans un domaine professionnel qui capitalise le trauma, de “cancel culture”, de l’effet de buzz. La dénonciation est crue, mais savoureuse.
June est une protagoniste exécrable, de plus en plus détestable à chaque page tournée, et pourtant, on pourrait se surprendre à éprouver de l’empathie pour sa jalousie obsessionnelle, dans son point de vue où son comportement serait légitime et acceptable (spoiler : il ne l’est pas du tout). Certains retours critiques pointent son manque d’évolution, mais c’est ça le meilleur : la voir s’engouffrer dans sa spirale infernale et s’enfermer dans ses certitudes pernicieuses.
Pour moi, ce livre n’est pas à lire comme un thriller, vous seriez déçu.e.s. Voyez-le comme un oeil inquisiteur dans la machine infernale de l’édition américaine, satyre grinçante d’un monde qui paraît obscur pour beaucoup de lecteurices…
Sur ces belles paroles, prenez soin de vous et je vous souhaite tout le succès du monde ! … tout le succès réaliste du monde ! ✨
En temps que simple lectrice, concernant les Imaginales, c’est quand même bien plus agréable de vous rencontrer dehors que dans la Bulle! Moins de monde, moins de bruit, moins de file d’attente, moins chaud… bref l’expérience est bien mieux dehors ! En espérant vous y retrouver cette année !
Merci beaucoup pour cette lettre Ielenna 💖 Elle résonne énormément avec mes propre doutes de toute jeune autrice, les attentes parfois irréalistes que l’on a pour soi-même… Enfin bref, merci 🫶🏻