"Ce n'est pas vraiment de la littérature, c'est du jeunesse"
Une mission d'ambitions rebelles et à la reconnaissance ingrate
Février 2024. Je dédicace dans une librairie spécialisée SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique) et romance d’Annecy. Ma table fait face à l’entrée ; on ne peut clairement pas me louper. Entre un groupe de trois adolescentes. Lycéennes sur leur fin de scolarité à en juger leur apparence et leur style vestimentaire. Malgré ma réserve naturelle, je me fends d’un “Bonjour” poli. Les trois jeunes filles répondent en balbutiant. Je peux comprendre. Quand j’entre dans une librairie avec un.e auteurice en dédicace, je redoute sans cesse d’être alpaguée par un.e collègue qui s’appuie sur la vente forcée face à des pauvres lecteurices achetant le coût de leur paix le prix du dit-livre. Mais ceci est une autre histoire… reprenons avec nos lycéennes.
D’un regard entendu - sauf avec le mien qu’elles évitent soigneusement - elles se mettent à pouffer de gêne, passent devant mes livres sans s’arrêter. Elles les considèrent à peine, comme s’ils étaient porteurs de la peste, pour se diriger vers le rayon de la romance. Dark Romance pour être plus précise. Elles repartiront avec leurs livres sous le bras ; Captive en version reliée pour l’une d’entre elles. Je n’aurai évidemment pas le droit à un “au revoir” sur le chemin du retour.
Et là, je me dis : qu’est-ce que j’ai manqué, tabernak.
Persona, mon petit dernier en date, met en scène des personnages entre 16 et 18 ans, avec des thématiques propres aux questionnements existentiels de cet âge. Alors pourquoi les jeunes pour lesquels ces romans sont spécifiquement adressés n’y sont pas intéressés ? Pire, les considèrent parfois avec mépris, comme un écrit “trop enfantin”.
Avant d’aborder la question de l’écriture jeunesse, de sa perception par le public, mais également l’analyse que j’essaierai d’apporter sur mes différentes œuvres, des petits rappels bien utiles !
Cette newsletter est tenue par une millenial qui adore râler. Paradoxe ambulant, c’est une asociale qui adore l’humanité. Nourrissez-la exclusivement de GIF de bébés loutres, de dragons mignons, d’edits d’Astarion (moi qui m’étais promise de ne jamais être cette meuf à fond sur le vampire sarcastique du coin, BG3, tu m’as bien eue) et de memes pour assurer son bonheur. Si elle aime se plaindre, c’est que sa confiance en soi est partie faire le tour du monde et que le moindre accro est vécu comme une atteinte à son intégrité. Vous l’aurez compris, votre hôte est une drama.
Evidemment, tous les propos rapportés dans cette newsletter peuvent être nuancés. Je n’apporte dans ces lettres que mon expérience et, je le rappelle, il est normal et sain d’être en désaccord avec certaines de mes opinions. Ne prenez jamais les paroles de ces lettres comme argent comptant, comme si je répandais la sainte parole : je les écris en pyjama depuis mon canapé, avachie comme un déchet, en écoutant la dernière BO de HotD, un dimanche matin pluvieux. On est loin de la thèse travaillée pendant des années et retravaillée avec le regard avisé de relecteurices. D’ailleurs, je ne manquerai pas, à la fin, de vous rediriger vers des travaux plus spécifiques et tout simplement passionnants sur le sujet. Moi, j’apporte juste mon caillou à l’édifice avec la fierté d’une gamine de quatre ans et qui n’en demande pas plus !
Mais bon ! Comme vous êtes désormais 452 à suivre cette newsletter, je me dis que mes déblatérations et tant mieux ; le sujet du jour sera bien large ! Il sera d’ailleurs peut-être sujet à une partie 2 si je n’ai pas la place de tout dire, ou s’il me vient le besoin de compléter. Merci beaucoup d’être aussi nombreux.ses à me lire ! J’espère que cette nouvelle lettre vous donnera de nouvelles perspectives. Je vous ai même laissé une petite surprise à la fin, pour vous motiver !
Et si vous lisez et que vous ne vous êtes pas encore inscrit.e, c’est le moment !
✨ Adorables visiteureuses… ou pas
Comme le laisse suggérer le titre délicieusement putaclic de cette lettre, c’est en dédicaçant en librairie ou en salon du livre que l’on arrive à percevoir l’accueil de nos romans auprès de différents publics. J’ai appris, avec l’expérience, à me protéger en valorisant les événements spécialisés, dans des environnements safe pour les écrits de l’imaginaire. Tout auteurice de l’imaginaire vous dira que les salons du livre plus généralistes sont à double-tranchant. Relégués dans un coin, considérés le temps d’un week-end comme le quartier malfamé (ou le refuge des autres, aussi !).
Ma première anecdote racontait mon expérience avec un groupe de jeunes filles, mais ce ne sont clairement pas les plus hostiles. La phrase en titre, je l’ai entendue. On m’a aussi demandé d’un ton agressif “ce que je faisais là ? C’est un salon du livre policier, c’est pas votre place !” sur un événement qui pourtant précisait dans sa com’ que les deux genres, policier et imaginaire, étaient mis à l’honneur.
“Ah, c’est comme Harry Potter, votre “truc” ? J’aime pas ça ! Ca donne des mauvaises idées aux enfants !”
“Ca a l’air gentil, ce que vous écrivez. Ca ne doit pas vous demander beaucoup de temps à écrire, c’est facile, non ?”
“De toute façon, on fait lire tout et n’importe quoi, aux jeunes, aujourd’hui.”
Croyez-moi que j’aimerais me fendre d’un rire mondain et de répondre “fariboles que tout ceci !” avant de déballer l’argumentaire leur prouvant que ce que j’écris n’est pas forcément aussi prosaïque qu’ils le croient (pourvu qu’ils sachent ce que ce mot signifie). Mais généralement, je lance davantage un sourire crispé, un haussement d’épaules, un “c’est pas grave, monsieur/madame, passez une bonne journée”. Mais oui, les adultes et seniors m’ignorent. Parce que ce que j’écris n’est pas pour elleux. Trop enfantin, trop naïf. Pas de la “vraie littérature”. Parfois, un.e rare courageux.se vient s’informer pour offrir le livre à un petit-fils, une petite-fille ou un.e neveu.nièce (merci à vous, on vous aime, parce qu’on adore les grands-parents qui gâtent leur famille avec des livres ! C’est d’ailleurs ma grand-mère qui m’avait offert les Harry Potter). Mais je m’en cogne, je ne suis pas là pour elleux, JUSTEMENT.
Pas de chance, j’accumule les facteurs ; j’écris de l’imaginaire, de la jeunesse, je suis une femme, l’une de mes sagas laisse figurer des femmes en couverture. Un temps, je savais, en salon, que dès qu’une jeune fille de 16-17 ans parcourait les allées, que j’allais réussir à l’appâter avec les Fleurs d’Opale. Persona n’a pas cet atout. Il attire, beaucoup, grâce à la magnifique couverture de Germain Barthélémy, grâce à ses dorures, à son fond blanc qui ramène le regard, mais clairement, le public diffère.
Je suis la responsable de mon propre souci ! Car oui ; je parle des Fleurs d’Opale, mais il s’agit d’une saga… new adult. Même si je l’ai écrite à partir de mes 13 ans, le retravail que j’y ai effectué a été réalisé pendant ma vingtaine. Les personnages ont aussi la vingtaine (voire plus dans le tome 2, car à l’exception de Saada, le trio principal approche de la trentaine, sans compter la génération au-dessus) et dans ses thématiques, on est clairement sur de l’adulte, même si on suit un schéma narratif type “quête du héros”, découvertes, tout ça tout ça. Je préviens généralement que non, ce n’est pas une lecture adaptée pour une personne de 13-14 ans. Mais alors pourquoi cette oeuvre attire les ados… et pas ma saga ado ?
✨ Des attentes différentes
Enfant des années 90, j’ai grandi avec Harry Potter et toutes les sagas jeunesse en plein essor qui mettait en avant, pour la plupart, de jeunes protagonistes masculins. Percy Jackson, Eragon, l’Epouvanteur… En parallèle, nous avions, “pour les filles”, Journal d’une Princesse, Quatre Filles et un Jean et tous les livres autour de l’équitation. Par la suite se sont ajoutées des héroïnes comme Katniss, Ewilan, Lyra… Mais grandissant dans un foyer plongé dans la fantasy, ce genre que j’adorais, je sentais que, plus je partais vers de “l’adulte”, plus le genre se “genrifiait” (ça fait beaucoup de genres). Il faut dire que j’ai grandi avec un père fan de Conan le Barbare, alors comme vous dire que je m’en suis bouffée, du male gaze (la manière dont les auteurs hommes dépeignent les femmes comme des êtres fragiles / sacrifiables / hyper-féminins / option big boobs). Tenez, je vous offre un TikTok sur le sujet.
C’est probablement pour cette raison qu’en 2006, j’ai décidé d’écrire les Fleurs d’Opale. Une œuvre avec une héroïne, un récit à la première personne, qui prend son destin en main, qui décide de ce qu’elle veut, qui s’épanouit dans la découverte de sa sexualité et de sa féminité. A l’époque, je me trouvais GIGA originale, puisque cela “n’existait pas”. Aujourd’hui, ça passerait comme un millième clone de romantasy, et c’est sûrement pour cette raison que la saga a trouvé son succès à la fin des années 2010, puisqu’elle était dans la lignée des pionniers du genre.
Pourquoi je vous parle de ça, alors que cette lettre est censée se concentrer sur la jeunesse ? Parce qu’à l’époque, j’étais jeune. J’ai senti ce besoin de passer directement à l’âge adulte. A 13 ans, je voulais écrire (pour lire ensuite) quelque chose de mâture. Je voulais du sang, je voulais du cul. Je voulais, à l’image de mon héroïne, transgresser tous les interdits et mener mes propres découvertes. Je vous parlais dans ma lettre sur Harry Potter du monde des fanfictions, qui m’a ouvert les yeux sur un monde qui m’était inconnu. A la fois bienveillant, queer, mais aussi parfois horriblement trash. Est-ce que je regrette d’en avoir lu ? Oui et non. J’étais assez consciente pour poser les limites, et surtout alterner entre mes lectures. J’essayais de re-poser les choses dans leur contexte.
Mais cela reste une réalité qui s’applique encore, je pense, beaucoup aujourd’hui : les enfants veulent grandir vite. Veulent se prouver qu’ils seront tout bientôt des jeunes adultes, avec tous les “plaisirs” fantasmés liés à cet âge : la liberté, l’alcool, faire ce qu’on veut de l’argent, multiplier les sorties, les voyages, les folies, coucher avec qui on veut (bref, être débarrassés de ses parents qui nous font franchement faire des choses ingrates comme ranger la vaisselle, “mais maman, tu comprends pas ma vie !”). Bref, goûter tous ces interdits desquels on les éloigne à coup de “tu feras ça quand tu seras grand, responsable et autonome”. Les ados franchissent un énorme fossé en passant de lectures ados 9-13 ans aux dark romances que l’on vend aujourd’hui, parfois sans prévention. De plus en plus de libraires sont vigilant.e.s, proposent des signalétiques, préviennent les parents. Même parents qui parfois n’ont rien à faire des avertissements, puisque l’important, c’est que leur progéniture lise, peu importe le contenu (histoire vraie).
Il y a aussi d’autres situations intéressantes. Autre anecdote, toujours lors de ma dédicace à Annecy, d’ailleurs ! Une mère et sa fille de 13-14 ans rentrent. La jeune veut absolument acheter un livre de dark romance. Sa mère est moyen chaud. Elle explique à la libraire qu’elle a commis l’erreur, une fois, de lui acheter Hadès et Perséphone en pensant qu’il s’agissait d’une innocente réécriture en mode contemporain (ce qui est vrai. Mais avec énormément de contenu +18). Elle et la libraire essaie de lui expliquer que ces lectures ne sont pas adaptées pour son âge, car cela peut donner une vision erronée des relations amoureuses et sexuelles à des jeunes en pleine construction de leur identité et de leurs valeurs futures. Que ces lectures peuvent devenir aussi addictives que le sont les films à caractère pornographique. Et l’ado à côté, qui souffle et soupire, lève les yeux au ciel et ricane “mais maman, je suis mature, je sais que c’est pas la réalité, hein, je suis pas stupide !”
C’est probablement vrai. Moi-même à son âge, je faisais la part des choses. Je prenais du recul et ces lectures faisaient figure d’exception dans la diversité de ma consommation littéraire. Ce qui me semble plus inquiétant, c’est l’aspect répétitif. Martelé. A ne lire que des scripts hétéronormés (ou à l’inverse aussi, des romans où les relations gay sont fétichisées), potentiellement dégradants voire violents, cela tend à mon sens à normaliser plutôt qu’à montrer qu’il s’agit d’une figure d’exception voire d’une anormalité si le consentement éclairé n’est pas abordé en parallèle.
Anyway. Je ne vais pas me lancer maintenant dans un pamphlet contre la dark romance. De un, parce que c’est pas le sujet. De deux, parce que je n’ai rien contre la dark romance, à partir du moment où il est consommé par un public averti. Je n’en ai jamais lu (pardon d’être restée à mes petites fanfictions), parce que ce ne sont pas des dynamiques relationnelles qu’il m’intéresse de lire à titre personnel, mais tant mieux si des lecteurices y trouvent leur compte et aime en lire (que ça ou à titre ponctuel).
Mais là où c’est très cocasse, c’est que mon livre jeunesse Persona est lu en majorité par des 18-30 ans qui m’envoient régulièrement ce même retour : “Qu’est-ce que j’aurai aimé lire ce livre quand j’étais ado !”. OUI BAH les ados ne veulent pas de mon livre. Pas tous. Not all teenagers, aha. J’ai aussi des retours extrêmement touchants de jeunes lecteurices qui se reconnaissent dans les personnages, dans leurs questionnements, dans leurs péripéties. Mais ça reste beaucoup plus rare, voire anecdotique. C’est quand même dommage de savoir que son roman se trouve dans un trou noir, dans cette abîme que les ados franchissent en sautant pour passer des lectures ado 9-12 aux livres à contenu sensible, en mode “ne regardez pas en bas !”.
✨ Une évolution des modes de lecture
Le CNL a sorti cette année une étude très intéressante par rapport aux habitudes de lecture des jeunes en France, dont les résultats sont résumés dans cette infographie bien complète.
Il en sort que les jeunes lisent moins ; que les écrans prennent plus de place. Pas de nouveauté ici, mais il s’agirait de faire un raccourci comme quoi iels ne lisent plus dès qu’iels sont sur écran, quand on connaît l’engouement pour des plateformes comme Wattpad ou Fyctia (c’est comme dire de nous que nous étions pas des lecteurices parce qu’on passait nos journées sur les Skyrock littéraires à s’envoyer des pavés d’analyse, tsktsk, retourne à ton Balzac vil scrofuleux !)
L’autre tendance qui s’objective, et qui me paraissait évidente de mon point de vue de professionnelle travaillant auprès d’ados et en tant que spectatrice sur le booktok, c’est que les romans sont consommés en grande majorité par les jeunes femmes. Les jeunes hommes, eux, se dirigent vers la BD, et plus massivement vers les mangas. Mes amis bibliothécaires et libraires me le confirment aussi. Est-ce du fait que les romans, en général, ont eu tendance à se “féminifier” ? Plus d’héroïnes, auxquels ils ne s’identifient pas ? Une allergie aux romances ? Ou une histoire aussi d’attentes sociales, chez les uns comme chez les autres ? Lire les mêmes mangas que les copains, s’échanger Captive sous la table pour initier les copines. La lecture continuent à participer à certains rites sociaux qui jouent sur l’acceptation, sur “être à la page / tendance / suivre les hype”, afin d’élaborer et de participer à un langage commun.
Deux autres points intéressants se dégagent de cette étude : les jeunes consomment de plus en plus de livres audio (et les adultes aussi ! ; par pitié, Hachette Romans, sortez Persona en audio, please…) ; et les jeunes lisent surtout dans le cadre de l’école. Et là, on touche à un nouveau débat. Quid des lectures que l’on propose en classe ? Au collège, au lycée. Beaucoup de professeurs font l’effort de composer un corpus varié, avec des oeuvres classiques, des oeuvres modernes, des livres parfois même “hype”. Et parfois, comme moi, vous avez eu des profs qui ne vous donnaient que des lectures analytiques pompeuses et inintéressantes, très marquée par les auteurs (parce que les autrices se faisaient extrêmement rares) classiques (j’ai effectué mon lycée dans la ville de Ferney-Voltaire, à deux pas du château que possédait le célèbre écrivain raciste, misogyne et plagieur du siècle des Lumières. J’ai donc eu l’honneur de me bouffer ses oeuvres non stop). Même le seul livre de SF que j’ai lu dans le cadre de mes lectures scolaires, à savoir A la poursuite des Slans… qu’est-ce que je me suis fait chier ! J’ai découvert aussi des classiques que j’ai pu apprécier (on se rappelle tou.te.s de la chute de la Parure de Maupassant, biggest plotwist ever) et c’est important qu’on continue l’étude de certains de ces textes. Mais l’éducation en classe n’est-elle pas non plus l’occasion de présenter aux jeunes des textes qui les passionneraient pour de la lecture populaire ? Qui pourrait justement s’échanger en cour de récré, comme les autres titres, sans qu’ils soient subversifs ? J’ai déjà vu des profs utiliser même des mangas à titre d’exemple pour parler de structures narratives ou de thématiques liées au programme scolaire.
Dans son livre Ecrire comme une abeille, Clémentine Beauvais parle de l’importance de se mettre à la place de son lectorat. On peut parler de thèmes essentiels à l’adolescence, mais si on en parle comme un adulte pour des adultes, le public cible passera complètement à côté du message. Tout est question d’équilibre. Traiter de thématiques actuelles et concrètes ; divertir, via un humour adapté, des comiques de situation que l’on connaît à cet âge ; mettre en place des enjeux qui sont importants à l’échelle d’un adolescent (vous vous rappelez, on avait parlé dans une ancienne lettre de notre propension à jouer les dramas parce que la copine ne nous parle plus depuis 24h) ; ne pas les prendre pour des cons non plus.
AH CA. Qu’est-ce que je déteste l’idée réductrice que les ados sont des petits cons qui traînent les pieds, qui râlent, qui écoutent de la musique trop fort, qui sont scotchés à leurs téléphones, qui bouffent et qui se paluchent avant de dormir. J’ai toujours essayé de parler aux ados (et même aux enfants en général), pas comme à des adultes, mais comme à des adultes en devenir. C’était l’un de mes souhaits, quand nous avons commencé le travail de Persona : il était hors de question de simplifier le style. De niveler par le bas. Les jeunes ont le droit à des oeuvres, quelles qu’elles soient, de qualité. Qu’on arrête deux secondes de les prendre comme des abrutis. Les enfants, les ados, sont les adultes de demain, et on aidera en rien à leur construction si on s’abstient de l’empathie qu’iels méritent.
✨ Représentation des genres
Je parle beaucoup, dans cette lettre, de littérature plutôt ado (12-16 ans) et young adult (16-20 ans), parce que c’est la cible de mes romans. Mais l’apprentissage de la lecture et l’immixtion dans les mondes imaginaires (comme contemporains d’ailleurs !) débute plus tôt encore. Même dès la petite enfance, avec les histoires lues par l’entourage. Ce qui permet un développement de l’imaginaire et de la palette des représentations.
La sociologue Oriane Almaric a mené, en 2020, une enquête auprès l’élèves de CM1-CM2 pour analyser, ensemble, les représentations au sein de leur lecture. Le résultat est édifiant, mais évidemment pas si étonnant… Son travail reprend aussi les données d’autres études, comme celles de Carole Brugeilles, Isabelle Cromer et Sylvie Cromer, qui met en relief la présence de 65% de protagonistes masculins (on est loin de la parité). Oriane Almaric va plus loin en montrant qu’en plus d’être sous-représentées en jeunesse, les personnages féminins sont relégués à des activités calmes, domestiques, tandis que les garçons sont encouragés à vivre des aventures, à prendre des risques. Bref, les filles sont douces, rêveuses et jolies ; les garçons sont forts, courageux (et notoirement en colère, aussi).
Je pense que c’est quelque chose qui est plus ou moins conscientisé, avec l’émergence des nouvelles générations, déconstruites de plus en plus jeunes. Et j’ai l’impression qu’on observe aujourd’hui, dans la tranche de lecture supérieure un revers à 180°. Des femmes 💅 badass 💅. Fortes, enragées, engagées. Un contre-coup assez logique, une rébellion par procuration après 10 ans de livres où les filles sont souvent reléguées au rang de poupées (j’appuie le trait, n’oubliez pas). On a le droit à toute la panoplie : trope du couteau sous la gorge, liberté sexuelle, grossières si elles le veulent. Je suis moi-même passée par cette phase, avec le personnage de Yasalyn dans les Fleurs d’Opale, que j’ai appris à beaucoup complexifier par la suite pour éviter qu’elle ne soit un cliché ambulant de “la fille pas comme les autres”, qui n’aime pas porter de robe et tout le tutti quanti.
Je ne vais pas m’étendre trop sur le sujet, car ça sera le thème d’une autre lettre sur la féminité (et aussi parce que j’ai participé à un mémoire universitaire sur les figures féminines dans la littérature fantasy, et j’ai hâte de pouvoir vous partager le travail de cette étudiante dans la même lignée, ça promet d’être passionnant !), mais je voulais juste introduire la notion pour les analyses qui vont suivre après. C’était essentiel. Car si je me réjouis de voir des femmes badass apparaître sur le marché du young adult, je suis fatiguée de ne voir parfois… que ça. Les femmes n’ont pas besoin de réaliser des faits extraordinaires et de se placer en drapeau révolutionnaire du féminisme pour exister.
On veut des femmes timides ; des femmes qui doutent ; des femmes qui dirigent ; des femmes qui s’illustrent dans des faits d’armes ; des femmes scientifiques ; des femmes d’art ; des femmes mères ; des femmes trans ; des femmes qui pardonnent ; des femmes qui se battent contre la dépression ; des femmes déjantées ; des femmes vieilles ; des femmes intransigeantes ; des femmes qui font de la merde ; des femmes drôles ; des femmes aidantes ; des femmes queer ; des femmes par milliers, et qui portent nos visages à toutes, dans un esprit de sororité et d’existence commune, sans dévaloriser l’existence des autres pour s’offrir une place. Et ces modèles, me semble-t-il, sont importantes pour les jeunes filles.
Non, vous n’êtes pas obligées de répondre de manière mean et sarcastique aux gens (surtout à votre crush) pour vous donner les airs des héroïnes de vos romans. Non, la bienveillance et l’empathie ne sont pas une faiblesse parce que c’est à ça qu’on a été reléguées pendant notre enfance et qu’on a envie de le rejeter en masse.
Et à l’inverse, si on pouvait éviter de réduire les boybookfriends en une armée de red flags ambulants… Mais là-dessus, je vous invite fortement à lire ma lettre concernant mon avis sur les masculinités dans la littérature pour avoir mes réflexions au complet !
Ma réflexion aujourd’hui s’articule surtout autour de cette thématique, mais on pourrait également parler de toutes les autres sensibilisations autour des discriminations. Racisme, validisme, homo et transphobie. De nombreux livres jeunesses sortent avec cette intention de conter cette réalité, parfois crue, à un public qui n’a connu que l’innocence de l’enfance. Et ce sont des sujets essentiels. Donc certes, il est vrai qu’ici, je ne fais qu’embrasser une vision de surface et qu’on mériterait de s’attarder sur de multiples points, que certains sociologues et littéraires ont pu travailler au sein de travaux universitaires beaucoup plus élaborés et étudiés que mon blabla d’autrice. A commencer par le travail de Florie Maurin que je vous recommande chaudement, et aussi l’essai d’Elodie-Aude Arnolin, avec Un livre pour faire la différence.
Dans cette période charnière de l’adolescence, il me semble donc surtout nécessaire de prendre en considération la construction de l’identité au sein des oeuvres jeunesse. Qui est-on ? Que veut-on ? Quelles sont nos valeurs, nos principes ? Qu’est-ce que je veux défendre ? Contre quoi je souhaite me battre ? Si j’aime, qui j’aime, et comment ? Qu’est-ce qui me fait vibrer ? Qu’est-ce qui me rendrait heureux.se dans cette vie qui s’ouvre devant moi, et que j’ai l’impression de devenir décider maintenant, pour les 70 années à venir ?
La littérature jeunesse est vue différemment, selon les auteurices, et d’ailleurs, Florie Maurin a collecté les témoignages de plusieurs d’entre elleux pour amener leur définition au genre.
✨ Est-ce c’est du young adult parce que c’est la cible… ou parce que c’est écrit par une femme ?
Encore une autre parenthèse avant l’analyse, mais le sujet me rappelle également une table ronde à laquelle j’avais assisté aux Imaginales (je n’ai plus l’année, plus le nom des intervenantes, plus l’intitulé de l’intervention). Mais cela parlait de la place des femmes dans la littérature de l’imaginaire et comment, en majorité, elles sont reléguées à la jeunesse.
Un TikTok avait beaucoup fait parler de lui, il y a un ou deux ans, avec la question suivante :
Est-ce que c’est vraiment du Young Adult ? Ou est-ce que c’est juste parce que c’est écrit par une femme ?
La question était reprise autrement pendant la table ronde, mais on gardait cette idée “d’incapacité” pour les femmes à écrire de la “fantasy adulte”. Parce que les thématiques, parce que la romance, parce que les bons sentiments, propulsait automatiquement le roman en catégorie Young Adult. Comme un roman “pas pris au sérieux”, comme si tous les livres de fantasy adulte devait jouer sur les codes de G.R.R. Martin avec un slogan tel que : “Plus trash, plus gore, plus incestueux, plus… plus sans-pitié !”. Repousser les limites de l’acceptablement humain pour écrire des livres adultes, ou atterrir automatiquement dans le public en-dessous. Nous sommes en 2024, soit 4-5 ans plus tard, les choses commencent très très trèèèèès doucement à évoluer, avec des livres de l’imaginaire adulte sans recours aux accès de violences systématiques.
Cependant, l’intervention relevait certains points importants. Hélas, je n’ai plus les chiffres en tête, et si quelqu’un retrouve la présentation en question avec les infographiques, je suis complètement preneuse pour pouvoir la repartager derrière. Il était expliqué que les femmes sont majoritaires en littérature de l’imaginaire jeunesse, là où les hommes dominent le monde de la littérature imaginaire adulte. Or, les auteurices de l’imaginaires francophones gagnent en moyenne 6-7% de droits d’auteurices sur leurs ouvrages en jeunesse ; contre environ 9-10% en adulte.
Pareil concernant l’aide à la création, où, même si elles sont plus nombreuses à postuler et donc à obtenir les aides (72% de femmes en littérature jeunesse), elles gagnent moins que les hommes sur les systèmes de bourses (moyenne à 4200€ pour les femmes, contre 4800€ pour les hommes). Sachant qu’il s’agit des montants les plus bas. Dans les autres catégories de littérature, les aides vont de 5000€ à 9000€, en moyenne. Je vous laisse lire l’article en question pour plus de détails.
Et on peut aussi compléter avec l’accès aux prix littéraires. Même si la parité est quelquefois atteinte, que ce soit dans les nominé.e.s, les lauréat.e.s ou même au sein du jury, il semble nécessaire de toujours le rappeler pour éviter certains retours en arrière. Certains grands prix restant dans l’entre-soi, mais on quitterait ici la sphère de de l’imaginaire et de la jeunesse.
Une différence de traitement, pas forcément entre hommes et femmes cette fois (quoique) mais plutôt entre littératures adulte et jeunesse, est visible également en événements. Je vous parlais tout à l’heure des auteurices imaginaires punis au coin, ça peut être la même pour la jeunesse. En avril, j’ai eu l’honneur d’être invitée en tant que marraine jeunesse d’un salon. Une attention particulière qui m’a fait chaud au cœur. Sur l’affiche, ma photo était toute petite à côté de la marraine adulte du salon (alors certes, c’était la talentueuse Serena Giuliano, et je ne suis qu’un minuscule petit truc à côté de cette reine de la littérature francophone qui attire les foules !). Les autrices Chris Vuklisevic/Ava Vivalda et Laetitia Lajoinie avaient également tourné un réel humoristique backstage d’un salon pour montrer la différence entre leurs hôtels respectifs : palace 4* pour l’autrice d’adulte, Ibis hôtel pour l’autrice de jeunesse. Et comme l’explique Chris/Ava en commentaire, c’est quasi systématique sur tous les événements auxquels elles sont invitées.
La jeunesse, reléguée donc à un sous-genre de la littérature, au sein d’un autre “sous-genre” que serait l’imaginaire ? (les guillemets ont été mises pour marquer dans le deuxième cas le côté “inférieur”, le côté “fausse littérature”). Drôle de paradoxe quand on connaît le succès et l’essor des oeuvres jeunesses, en particulier entre 2000 et 2010, avec des oeuvres comme Harry Potter, Hunger Games, His Dark Material, Divergente, Percy Jackson, etc. Bref, des petits moutons noirs, sauf pour les plus grands succès qui volent sur d’autres échelles, loin devant ?
✨ C’est l’heure ! Du du-du-du… de l’analyse !
Alors, pourquoi je vous bassine depuis tout à l’heure avec cette histoire d’analyse. Plutôt que de donner des définitions somme toute subjective et une opinion très tranchée qui changera sûrement d’ici 2-3 ans du fait des nouvelles expériences que j’aurais engrangé et du changement du milieu en parallèle, il me semble plus intéressant, comme dans certaines lettres précédentes, d’expliquer le travail sous-jacent dans certaines de mes œuvres. Leurs messages, comment j’ai cherché à les amener. Un accès aux coulisses en quelque sorte, un regard reculé sur mon travail pour mieux le décortiquer.
Comme mentionné plus tôt, je mets (ENCORE) de côté les Fleurs d’Opale. Décidément, elles sont punies au coin. Pourtant, il y aurait de quoi dire, notamment par rapport à la figure subversive de Saada, l’adolescente malade qui se rebelle face à ses divins parents, dans le tome II. Mais je ne considère pas cette œuvre comme destinée à la jeunesse. Ca me paraît donc erroné d’aborder la saga comme telle, car le regard serait complètement biaisé. Autant demander à un vétérinaire de superviser l’opération chirurgicale d’une prothèse de hanche chez une dame de 80 ans ; on reste sur du médical, mais le support de travail et la spécialité ne matchent pas !
Attention TW : on peut parler ici sujets sensibles liés à l’adolescence, donc n’hésitez pas à passer si ces thématiques sont susceptibles de vous bouleverser.
🔮 LMA
Ou Ludo Mentis Aciem dans sa version complète, est ma fanfiction Harry Potter en 8 tomes écrite et publiée entre 2012 et 2020. Elle met en scène la jeune Kate Whisper, 11 ans au début de l’aventure, que nous suivrons jusqu’à ses 18 ans à la sortie de Poudlard. Si cette fresque gigantesque se compte en centaines de personnages, nous nous concentrons surtout sur elle et ses deux amis les plus proches : Maggie, une sorcière de l’aristocratie, Gryffondor, orgueilleuse, capricieuse et vaniteuse, mais aussi extrêmement fidèle et vaillante ; et Terry, un Poufsouffle avec un corps de géant pour accueillir un coeur d’or, un greenflag ambulant. On y croise aussi les différents petits amis de Kate au cours du temps (personnages que j’ai présentés dans la lettre sur les masculinités).
Dans ma lettre sur Harry Potter, j’avais consacré tout un paragraphe sur le thème de l’adolescence, que je trouvais assez peu travaillé dans l’oeuvre originelle. La saga de base se concentre davantage sur l’aventure, sur la résolution de l’intrigue en elle-même, au sein d’un monde magique, plutôt que sur des sujets liés à la construction des personnages. Aussi, à part au sein des relations qui fluctuent, l’évolution des personnages est globalement assez limité. On a bien les moments casse-roubignoles de Ron dans le tome 4, et Harry qui est toujours la même tête-à-claques, les passages avec Cho Chang (oskour) ou Ginny, mais tout est raconté de manière extrêmement détachée. Visuellement, comme un film que l’on se contenterait de narrer, sans plus de questionnements sur tout ce que ces changements provoquent.
Dans LMA, il m’a été essentiel d’accompagner l’intrigue, tant par le style, la complexité de l’aventure et des éléments du monde, que par l’évolution des personnages. La Kate du tome I et du tome VIII sont deux personnages très différents, même si elles sont portées par des valeurs communes, à commencer par leur amour infaillible pour leur famille. Kate est très changeante selon les tomes, les enjeux, mais reste constante sur d’autres points qui la rendent reconnaissables parmi des centaines de personnages ados. Ses envies, ses peurs ne sont pas les mêmes. Dans le tome I, elle utilise une boussole magique super puissante… juste pour savoir si quelqu’un est amoureux d’elle dans le collège. On a aussi le droit à tout le passage de sa crise d’ado dans le tome III qui donne envie de lui donner des baffes. Ses réactions, tout comme celles de ses ami.e.s, ne sont pas toujours matures, et c’est NORMAL. Ce sont justement des ados en construction ! qui font des bêtises, des erreurs.
Au-delà de ces aspects évolutifs, j’ai hélas assez peu de choses à dire sur le traitement jeunesse de LMA, conditionné au fait que les personnages soient jeunes. J’ai évidemment traité le thème essentiel de la différence, notamment avec l’apparition de la 5ème maison, Papillombre, destinée à accueillir les élèves qui “sortent des cases”, les rêveurs, les outsiders, qui forment famille ensemble. Des préoccupations que l’on trouve dans l’adolescence, mais que j’ai beaucoup plus travaillé dans Persona.
J’aborde également quelques notions à propos de l’évolution de son corps et des premières expériences amoureuses et sexuelles. De Kate qui panique et culpabilise, parce qu’elle n’est toujours pas réglée à 15 ans, ce qui la préoccupe grandement par rapport à ses ami.e.s, à cause de ce décalage de croissance général. Des questions sur l’apparence aussi, prendre soin de soi, avec des séances maquillage, coiffure (filles comme garçons aussi !), des réflexions sur les premiers duvets, l’acné, bref. Ce genre de sujet qui peut prendre énormément de proportions à cet âge-là. Même si ce n’est pas le centre du sujet, j’ai toujours un peu regretté qu’Harry Potter, qui présente quand même un cycle de 7 pavasses, ne fasse jamais mention de tout ça, rien que sur une ligne. On a le droit aux amourettes, aux premiers frissons amoureux, mais rien de plus. Tandis que la plupart des adolescents (je précise bien la plupart, pensée à vous, mes (demi)aro-/ace) sont obsédés par le cul, Harry et ses amis sont finalement des ados très sages.
Comme autres sujets abordés dans LMA, on a les penchants moins glorieux de l’adolescence. Le harcèlement scolaire, le mal-être, les idées noires, l’auto-mutilation. Ce ne sont pas des thématiques travaillées de manière centrées. Cependant, j’en fais mention. J’explique bien que cela existe. On normalise ça. Parce que c’est une réalité qui doit être prise en compte dans cette période ingrate.
Bref, dans LMA, mon but n’était pas forcément d’offrir une oeuvre jeunesse traitant de thèmes ado, mais plutôt de proposer une aventure qui met en scène des ados, et de les représenter de manière juste et complète en conséquence.
Ce qui n’a pas du tout été mon objectif, par exemple, pour Persona.
🎭 Persona
Quand Hachette Romans m’a démarchée en mai 2021 pour me demander un livre, une contrainte m’avait été énoncée : ça sera un livre jeunesse. Puisqu’en effet, il s’agit de leur ligne éditoriale et que ma première proposition était trop adulte. De ce fait, j’ai dû réfléchir autrement, et partir de la cible pour construire mon histoire. Je devais réfléchir aux messages que je voulais faire passer, me mettre à la place de tou.te.s ces jeunes lecteurices qui allaient un jour ouvrir ce roman.
Je ne parlerai pas forcément de la création de chacun des personnages, car cela sera plus pertinent dans le cadre d’une lettre sur le sujet. Mais plutôt ici mentionner quelques thématiques et passages qui sont intéressants d’analyser.
Persona, à la base, est le nom du masque porté dans l’antiquité romaine, permettant à l’acteurice à la fois de revêtir un rôle et d’amplifier la voix dans les amphithéâtres. Cette notion de masque apparaît vers l’adolescence, quand nous comprenons qu’il faut souvent se conformer. On ne peut plus se permettre d’être un enfant impulsif qui n’a que faire des règles et du regard des autres. On veut se sentir accepté.e, intégré.e, et pour cela, parfois, cela nous demande de ne plus vraiment être nous-mêmes. De porter des masques.
Evidemment, l’allégorie est portée par Andrea, le personnage principal, qui change même d’apparence, mais qui, à force de s’éparpiller dans ses masques, ne sait plus vraiment qui iel est et ce que les gens attendent d’ellui. Ce sentiment d’anormalité est renforcé par plusieurs facteurs. Le premier, assez évident, c’est que tous les enfants touchés par la Lumière et qui développent des pouvoirs sont parqués dans des établissements, considérés comme des dangers, comme des pestiférés, mis à l’écart de la société. Une profonde injustice discriminante qui affecte tous ces jeunes, certains cherchant à tout prix à se normaliser (comme Thisbé qui est prête à tout pour se marier, même sans amour, pour se débarrasser de son Don et redevenir une personne “normale”).
L’autre facteur qui concerne Andrea, c’est son orientation romantique et sexuelle. En tant que personne ace-aro (asexuelle-aromantique, c’est-à-dire qu’Andrea n’éprouve ni désir sexuel ni désir romantique), Andrea se questionne beaucoup sur les relations qu’iel observe autour d’ellui. Iel s’accepte, mais regrette qu’à l’inverse, les autres ne l’acceptent pas toujours. Alors que, paradoxalement, Andrea est l’être qui déborde le plus d’amour, mais un autre type d’amour. Andrea est écoute, est pardon, est Lumière. Et parfois, ça a plus de poids que certaines amours romantiques. Evidemment, à son âge de 17 ans, cela lea questionne ; déjà que ses masques ne lui permettent pas de se sentir totalement dans sa peau !
Cela n’empêche pas Andrea d’être au courant et de comprendre les sentiments amoureux. Iel s’étonne parfois que cela conduise à des comportements extrêmes et radicaux, mais ne juge pas. Au contraire, les encourage chez ses compagnons. Cela, je l’évoque davantage dans le tome 3, voire dans le tome 3.5. Et là, tout le monde me dit “MDR D’OU t’as un tome 3.5 ??”, aha. Alors, spoiler, ce “tome” de presque 20 000 mots ne sera jamais public ! Il a été écrit EXPRES pour l’une de mes bêtas-lectrices (oui, je suis comme ça, moi, j’écris des livres pour des gens !) Il s’agit plutôt de chapitres bonus pour compléter l’arc de certains personnages, ceci ne rentrant pas dans l’intrigue… ni dans un contexte de publication jeunesse ! Mais on y a aussi le droit à des récits ou de petits flashbacks intéressants, quand, par exemple, au début de leur adolescence, Evander et Andrea ont espionné un jeune couple dans l’Officium, parce qu’intrigué.e.s par tout ce nouveau monde (mais qu’ils se sont faits choper par soeur Agnès !). Ce qui a obligé Agnès à leur dispenser des espèces de cours d’éducation sexuelle (ce qui est assez cocasse et hilarant, déjà du fait du tempérament coincé d’Agnès, et surtout par rapport au lien qui l’unit à Evander ahaha !)
Bref ; tout ça pour dire qu’il était essentiel pour moi de mettre en avant un personnage jeune et aro-ace, pour normaliser ces existences et représentations. J’ai eu beaucoup de retours positifs à ce sujet et ça me fait plaisir de savoir qu’autant de jeunes se retrouvent dans les questionnements d’Andrea, qui se demande parfois s’iel n’est pas “cassé”, comme dysfonctionnel. Alors que non. C’est OK.
Si on en reste aux relations amoureuses et à tous les questionnements de ce type, le thème est surtout porté par Evander dans la saga. J’ai looonguement parlé de ce personnage dans ma newsletter sur les protagonistes masculins, donc j’essaierai de ne pas me répéter à propos de ce jeune homme qui essaie d’apprendre à devenir un greenflag. Orphelin de naissance (en réalité arraché à ses parents, qui étaient eux-mêmes des ados à l’époque), il a grandi complètement déraciné, avec cette peur terrible de l’abandon et ce besoin viscéral de créer famille autour de lui, d’être aimé. C’est un jeune homme qui, derrière une carapace très extravertie, est en réalité particulièrement fragile et sensible. Et, comme beaucoup d’ados de 16-17 ans, il est quand même très travaillé par ses hormones ! Paradoxalement, il est aussi très romantique (à moitié assumé), il veut donc avoir LE coup de foudre, trouver LA femme de sa vie. Il va essayer d’en draguer un certain nombre (ce qui parfois dégénère ! Cf tome 1), et quand il essaie de se montrer plus vulnérable et sincère, foire aussi ses dates (Cf tome 2). A ce stade de la saga, je ne peux pas vraiment en dire davantage, évidemment, sous risques de spoilers majeurs, mais parmi le trio, il est le personnage qui symbolise la question des relations amoureuses.
Le traitement des thèmes jeunesse est très large dans Persona, et cela peut passer aussi par la recherche d’émancipation. Pour cela, Thisbé est la meilleure porte-parole. Chercher sa voie, obtenir sa liberté à tout prix… et aussi à l’inverse se rendre compte du prix à payer. D’avoir des regrets sur le passé, de se sentir coupable d’avoir “trahi” certains de ses principes pour espérer se sentir plus en phase avec soi-même. Même si elle a cette apparence de jeune femme brillante et mature, sorte de voix de la raison, Thisbé est un puits de doutes. Elle commet des erreurs, mais apprend à se rattraper plutôt que de se faire rattraper par son remords. Et ça, pareil, je trouve que c’est hyper important de le dire aux jeunes : l’échec, c’est OK. On n’apprend pas suffisamment aux enfants et aux ados, conditionnés par les notes, la réussite, la performance, pour les formater d’avance à un monde du travail de plus en plus inhumain, qu’on se plantera forcément un jour ou l’autre, mais que l’essentiel, c’est de trouver les ressources pour rebondir. L’autre point, c’est que Thisbé symbolise l’entrée dans l’investissement politique. Se trouver une place engagée, dans des actions concrètes, comprendre les notions de pouvoir, etc. Ce qui est très important, selon moi, dans la vie des vieux ados / jeunes adultes, de savoir, de comprendre, comment s’investir pour leur avenir et se positionner de manière politique. Comprendre aussi que tout n’est pas tout blanc tout noir.
D’ailleurs, point intéressant, même s’ils sont amis, Andrea, Evander et Thisbé n’ont pas toujours les mêmes opinions, les mêmes points de vue. Chacun se respecte. Mais ils en parlent, sans se formaliser les uns par rapport aux autres, sans partir dans les tours. J’avais lu dans une chronique récente un constat très intéressant par rapport aux deux premiers tomes de Persona :
Dans le tome 1, grandir ensemble pour faire force.
Dans le tome 2, grandir séparément pour trouver ses propres forces.
Quelque chose du genre. Et c’est exactement ça. Ce sont des amis qui se connaissent par cœur, et qui apprennent enfin à se découvrir à une individualité, qui sera acceptée par les deux autres (enfin plus ou moins !).
Si je résume cette partie, mon trio représente en réalité la triade des thèmes qui me semblent importants d’évoquer par rapport à l’adolescence : Andrea, l’identité et la construction de soi ; Evander, la famille et les relations amoureuses ; Thisbé, l’émancipation et la quête de liberté (même si elle aborde les relations amoureuses à sa manière aussi, notamment dans les tomes 3 et 4, donc PAREIL je peux rien dire). Et d’ailleurs, ça me fait grave plaisir que le personnage masculin relate des thèmes amoureux et le personnage féminin des thèmes politiques. Vraiment, je suis fan. (instant jetage de fleurs dans la figure)
Je termine sur un point intéressant, qui concerne Persona ou aussi d’autres oeuvres jeunesse. Dans son livre, Clémentine Beauvais parle de l’opposition de ces deux figures qui sont l’adolescent et l’adulte. Le premier représente la puissance, se tourne vers l’avenir, veut prouver qu’il peut changer le monde. Le deuxième représente l’autorité, rappelle son expérience en se tournant vers le passé et cherche un conserver un statu quo dont il estime l’importance. Cette notion de puissance/autorité, on peut la retrouver un peu dans le tome 3 de LMA avec l’opposition Kate/Phil. Dans les tome 3 et 4 de Persona, nous avons également cette configuration. D’un côté les jeunes, à savoir Andrea, Evander et Pax ; de l’autre les adultes, représentés par Desideria (le grand retour !), Mona (la mère d’Andrea) et un nouveau personnage qui est l’équivalent du seigneur de la ville où iels se trouvent.
Les deux côtés ont des arguments qui se valent complètement ! En se plaçant d’un point de vue ado, on se dit que les jeunes ont raison et que les adultes ne se bougent pas ! Et, fait amusant, mon soon-to-be-husband a été très compatissant des adultes en lisant ces tomes ! Il comprenait tout à fait leur point de vue, estimant que les jeunes étaient complètement imprudents (et gonflants !). C’est là, je trouve, le tour de force des oeuvres jeunesse ; donner du pouvoir, de la puissance aux jeunes, tout en gardant le réalisme des adultes en évitant de les ranger dans la case “gros con qui comprend rien”. Car c’est comme ça qu’on se retrouve avec des floppées de mioches élus qui sauvent le monde avec la facilité d’un Tetris à un carré.
Tandis que dans Persona, dans les tomes 3 et 4, on se retrouve confrontés à la menace de Vespera, une ombre immense qui grossit et engloutit toute Lumière, contre laquelle on peut rien… à part en l’attaquant à ses origines (et on verra si je suis assez claire, mais Vespera est clairement une allégorie déformée du dérèglement climatique !). Et que de ce fait, il va falloir s’unir, jeunes et adultes, pour combattre Vespera, plutôt que de faire guerre à part. Il va falloir allier ses forces, s’écouter, reconnaître, admettre. Et c’est peut-être ça, le plus difficile : pas battre Vespera ; entretenir un dialogue entre générations, entre classes sociales. Mettre tous les différends de côté pour lutter dans une cause commune.
🐉 Petits dragons mignons
Ce manuscrit n’a toujours pas de nom, c’est une misère. Je laisserai la maison d’édition choisir pour moi, je pense, aha !
Dans les petits dragons mignons, je partais également de l’idée d’écrire un livre jeunesse. Au départ, même, complètement ado, puisque le protagoniste principal, Carl, était censé avoir 13-14 ans. Finalement, après concertation avec l’éditrice, nous avons convenu de le vieillir à 17 ans et d’inclure une romance. Et au final, je pense que cette décision a été la meilleure ! (comme quoi, parfois, il faut mettre ses certitudes de côté et écouter l’avis des professionnels ! Ils sont là pour le bien de nos oeuvres) Pourquoi ? Parce que le fait de passer le roman sur l’échelle du Young adult a permis de traiter teeeeeellement plus de thématiques, et surtout, d’une manière bien plus pertinente !
Mais alors, quelle sera la thématique des petits dragons mignons, si Persona aborde déjà l’identité, l’amour et la liberté ?
Eh bien, ma manière d’aborder cette lettre était un indice en soi, de même que toute la lettre sur les personnages masculins : on va aborder les injonctions et les stéréotypes genrés à l’adolescence. Servis par deux personnages : Carl, jeune homme dyspraxique, serviable, attentionné (vraiment, c’est mon petit greenflag 💚 il galère un peu parfois aussi !) et Iseline, jeune femme déterminée (et parfois désadaptée des codes sociaux) qui aurait rêvé de devenir ingénieure mais qui est soumise aux volontés de son père pour son avenir. Tous deux ont une particularité qui les distinguent de tous les autres citoyen.ne.s d’Arc-en-Flammes : un dragon opposé à leur genre de naissance. Dans cet univers où les garçons ont des dragons, les filles des dragonnes, Carl a une petite dragonne rose, Brodeverre, notoirement TDAH, tandis qu’Iseline est accompagnée de Perleroi, un majestueux dragon lapis-lazuli, peu loquace et particulièrement impressionnant.
✨ Mais ce livre est-il donc voué à ne pas vivre ? (parenthèse pessimiste)
Mais comme pour Persona, je suis terrifiée, à l’idée que ce roman soit “rejeté” par son public. Récit à la 3ème personne, POV externe (on n’a que le POV de Carl qui est spectateur), PIRE, protagoniste principal masculin. C’est pas une JEUNE FEMME BADASS avec une dague, DAMMIT ! Ce n’est pas un manga ! QUI cela va-t-il intéresser dans la sphère du Booksta/Booktok, ou même dans les sphères ado en général ? Le côté cosy fantasy attirera forcément, la romance aussi (et je pense que c’est pour ça que mon éditrice a insisté), les dragons aussi, because dragons. Et j’espère, voire je suis persuadée, que les thématiques parleront aux jeunes qui le liront. Pourvu qu’iels le lisent…
Je suis un peu fatiguée, parfois, de me tirer des kalachnikov dans le pied en essayant d’écrire des livres qui sortent des normes et qui travaillent des thématiques précises pour délivrer des messages. J’en parle souvent avec mes collègues auteurices et nous sommes tou.te.s dépité.e.s de ce constat. A quoi bon ? Déjà, on ne fait pas le poids, en tant que francophones, face aux traductions qui inondent le marché. On essaie de se rassurer comme on peut. Les livres clonés avec des épées et des fleurs/lierre en couverture (je suis sûre que c’est une stratégie des ME, des fois que sur un malentendu, maman qui fait les courses confonde avec le livre du concurrent !) sont des divertissements très en vogues, mais lesquels resteront dans les esprits dans 2, 3, 4 ans ? Lesquels délivreront des messages qui “font grandir” ? Qui font du bien dans les esprits tourmentés et confus des ados qui se cherchent et se construisent avec les modèles qu’ils voient ?
Heureusement que des libraires, professeurs et bibliothécaires font beaucoup d’efforts de mise en avant, de communication, sur les alternatives moins connues, moins “hype”, autour de livres aux thématiques essentielles pour l’adolescence. Comme les livres de Clara Héraut, de Maëlle Desard, de (Chloé) Jo Bertrand, d’Aylin Manço…
Je ne baisse pas les bras. L’important, à mes yeux, c’est de prendre du plaisir dans ce que j’écris et d’être fidèle à mes valeurs. Je veux apporter quelque chose à mon lectorat qui soit autre chose que du simple divertissement. Je veux apporter des points de vue, des nuances, des réflexions, des outils qui permettent d’évoluer. C’est sûrement prétentieux de ma part de me placer comme une délivreuse de messages tombée du ciel en mode Jeanne d’Arc, avec mes gros sabots de féministe. Mais j’aimerais, naïvement, que mon existence d’autrice laisse une trace. Que mes valeurs me succèdent.
Mais j’espère de tout cœur qu’on changera la donne de la phrase “c’est un livre que j’aurais tellement aimé lire quand j’étais jeune”, et tendre vers “je suis heureux.se d’avoir lu ce livre à mon âge et d’avoir grandi avec”, tout comme certain.e.s d’entre nous ont pu grandir avec des œuvres des années 2000. Ca serait le plus beau des présents. J’ai eu l’occasion d’entendre cette phrase avec LMA, et vraiment, c’est un carillon de joie dans mon cœur qui doute en permanence.
✨ Mini Persona !
C’est pour cette raison que je suis très heureuse d’accueillir la version poche de Persona, dont le premier tome paraîtra le 25 septembre prochain, avec une nouvelle couverture signée Celi’arts !
Pourquoi j’en suis ravie ? Parce qu’il sera justement plus accessible aux jeunes ! Petit prix, plus facile à acquérir, à transporter… à étudier ! Eh oui, parce que Persona est étudié en classe ! Et je ne remercierai d’ailleurs jamais assez les professeurs de français, collège ou lycée, qui l’ont inclus dans leur corpus de l’année. Certains ont abordé l’étude via les héros, via les noms des Dons en latin (avec un travail sur l’étymologie, j’adore !), les thèmes de la construction de soi, de l’analyse des émotions… Il y a tellement de facettes à aborder ! J’ai d’ailleurs reçu un mail et un audio de la part d’une classe de 4ème, qui m’a fait un retour sur leur lecture en classe, de leurs personnages préférés, de leurs passages favoris… Vraiment, mon plus beau cadeau de Noël !
J’en parlais plus haut, mais il s’agit à mes yeux de la meilleure manière pour introduire nos lectures jeunesses à leur public : passer par l’école. Parce que la vie à côté les amène à sauter par-dessus le fossé, à transgresser les tranches d’âge pour grandir vite. Parce qu’ils seraient passés à côté, en pensant que ce n’était pas pour elleux. Donc je suis très heureuse que cette opportunité se présente.
J’espère que plein d’autres classes le découvriront, maintenant qu’il est accessible en poche ! J’aimerais vraiment diversifier mon activité d’autrice et proposer des ateliers, des interventions scolaires. Je n’ai pas reçu d’invitation pour l’instant, mais je ne désespère pas, je suis sûre que ça serait une magnifique expérience !
Si vous êtes professeur de français, de littérature ou même de latin, professeur-documentaliste en CDI, si cela vous intéresse de faire étudier Persona ou de l’acquérir pour votre centre, n’hésitez pas ! (ou si vous enseignez une autre matière, parlez-en à vos collègues !) Comme le dit si bien Evander, c’est l’occasion de créer une armée de bienveillants, de petites lucioles qui diffuseront à leur tour, je l’espère, des messages d’espoir et de Lumière.
Et d’ailleurs, j’en profite pour souhaiter une bonne rentrée à tou.te.s les étudiant.e.s qui liraient cette lettre, tou.te.s les profs et autres professions affiliés à l’éducation ! La période est angoissante et je pense fort à vous !
Mes dates d’octobre
Les salons reprennent bientôt ! Je n’ai pas de date en septembre, parce que… je me marie (et ça sera d’ailleurs le sujet “hors-série” de ma prochaine lettre !), mais on rattaque en octobre avec de belles dates, qui sont les suivantes :
Le samedi 5 octobre, aux très réputées Hallienales (proximité Lille). Depuis le temps que je rêve de faire ce salon ! J’y ai postulé quelques années, toujours refusée, aussi, c’est un honneur pour moi d’être invitée pour cette édition !
Les 12-13 octobre, à la première édition de Grim’Loire, à Langeais. Un nouveau festival de l’imaginaire dans la Loire, à ne manquer sous aucun prétexte !
Le samedi 26 octobre, les éditions Hachette Romans organisent en partenariat avec Gibert Joseph Montpellier un événement exceptionnel ! Venez à la rencontre des auteurices Hachette, tels que A.J.Twice, les auteurices de la Passeuse de Mots, Hayden Deterra, Alice Doublier ou encore notre nouvelle recrue Sarah Abassi !
Super intéressant cette newsletter ❤️. J'ai trop hâte d'avoir le poche entre mes mains, ça fait un moment que Persona me fait de l'œil et je suis doublement convaincue après cette lettre 🥰.
N'empêche, ça me fait rire parce que j'ai quinze ans et à l'inverse, j'ai plutôt tendance à me tourner vers l'ado et le young adult, voire vers le un peu jeunesse de temps en temps. Mais j'avoue que ça m'arrive quand même de lire de l'adulte ou une petite dark romance ( même si la DR, c'est beaucoup plus rare 👀).
Lettre vraiment très pertinente, comme d'habitude ! Je pourrais lire tes réflexions toute la journée ahah 😊
Et ohlalala cette couverture de poche est sublime !