Ce lundi 21 avril, à exactement 17h38, j’ai posé le point final de ma dernière saga en date, Persona. Si on dit qu’achever l’écriture d’un roman est déjà un exploit en soir, terminer un ensemble de romans qui a guidé notre imaginaire pendant des années, voire des décennies, laisse en bouche un goût doux-amer. Un mélange de fierté et de tristesse, comme une nostalgie déjà bien instaurée, quand bien même ces lignes sont là, ici, juste derrière nous, et que les personnages vivent encore quand nos yeux se promènent sur leurs dialogues vifs.
Pourtant, j’aime ça. J’en redemande et je resigne. Je resaigne. Alors aujourd’hui, je viens vous parler des sagas. De cycles. De ces histoires qui n’ont parfois jamais de fin. Ces fresques, se déroulant parfois sur des années, des décennies à l’échelle de ces personnages que l’on finit par connaître par cœur.
Mais tout d’abord : JE SUIS EN VIE. Je sais, on aurait eu peine à croire que j’allais revenir ! Je vous prie sincèrement de m’excuser pour ce long moment en tunnel. 😭 Heureusement (parce que je préfère le voir comme une bonne nouvelle !), je suis actuellement liée à des deadlines particulièrement resserrées : je devais notamment terminer les réécritures/correction du tome 3 de Persona en mars ; l’écriture du tome 4 en avril ; et là, j’ai le manuscrit des sorcière à terminer, car attendu pour juin par la maison d’édition avec laquelle j’ai signé un contrat sur ce projet (MAIS QUI ?).
Malgré mon absence, petit substack a bien grandi, grâce aux recommandations de mes amies autrices (pluie de keûrs chatoyants sur vous ! 💖), et nous sommes désormais 976 lucioles sur ce blabla qui chatoie ! ✨
Moi, c’est Ielenna. Je connais pas l’ennui. Dès le plus jeune âge, j’ai été créative. Aujourd’hui, je suis créative ET fatiguée. Si je devais résumer mon fameux starter pack, il se composerait d’une tasse (au choix de thé, de café, de bubbletea, de chocolat chaud…), d’un paquet de M&M’s et de mon fluffy doggo nommé Pippin (Merry étant le nom de l’aspirateur robot, salvateur en cette période de mue). Mon mari rajouterait mon smartphone, car j’en suis clairement accro. J’écris depuis bientôt 20 ans (mes os craquent à en taper ces mots… !) et dans cette newsletter, j’aime bien raconter mes déboires et étaler mes réflexions par rapport à ma passion de l’écriture. Parfois pour râler, parfois pour déballer un trop plein, mais en tout cas, faire part d’un point de vue. Comme d’habitude, vous avez le droit de ne pas être d’accord avec mes propos, en tout cas, ne les prenez pas comme argent comptant. Still human.
Et comme d’habitude, j’ai trop à dire. Donc ça ne rentre pas dans un seul mail. Ouvrez directement sur l’app Substack pour profiter pleinement de mes GIF de qualitey.
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J’espère que vous vous sentez l’âme d’un maçon, car aujourd’hui, on va parler pavasses pour construire des murailles !
✨Quand ça a commencé ?
Très tôt, on enseigne aux enfants le principe des personnages que l’on suit. Des collections de livres, de BD, en passant par les dessins animés. Ayant grandi dans les années 90, j’ai vu ressurgir tous les personnages de mon enfance dans des suites inégales sorties dans les années 2000 dans le vain espoir de ressusciter une franchise à la mode Frankenstein. Avec plus ou moins de succès.
A l’époque, tout se déclinait en plusieurs volumes, ce qui créait un effet de mode. Tout le monde suivait, s’impatientait. Le prochain tome d’Harry Potter ; le prochain film du Seigneur des Anneaux ou de la prélogie Star Wars. On se nourrissait de cette attente, ensemble. On comblait les vides avec des conversations passionnées dont je me souviens encore aujourd’hui, avec des fanfictions peuplées d’hypothèses plus farfelues les unes que les autres. Et l’attente d’un an, voire plus, faisait partie du jeu ! On la haïssait autant qu’on la chérissait, car la récompense n’en devenait que plus grande. On marquait le jour de sortie en rouge sur son calendrier comme une date d’importance capitale. J’ai énormément de mal, aujourd’hui, en 2025, qu’on râle de l’attente de plus de 6 mois entre deux livres, comme un dû, comme une incapacité actuelle à combler ces vides, à devoir scroller, changer, passer, encore et encore, pour ne jamais s’ennuyer, sans prendre le temps de se dire :
OK, stop. Cette oeuvre, je la kiffe. J’ai hâte de la suite. Je veux comprendre, je veux m’imprégner. Peut-être que je vais relire, essayer de deviner la suite, de creuser les personnages pour trouver les failles, pour lire entre les lignes.
J’ai tellement été biberonnée à ces cycles naturellement étirés qu’il m’était impossible de concevoir autrement mes premiers écrits. On avait même cet espèce de cliché inexplicable que toutes les sagas de fantasy devaient être des trilogies. Alors chacun.e y allait de son tome 1, avec des visions floues pour ne pas dire complètement myopes de la suite envisagée, dans l’espoir de décrocher le prochain Eragon. Yep. Mon tout premier roman était un tome 1. J’ai jamais continué. Tant mieux. Aha.

Dans les années 2000, on vivait surtout au travers de ces œuvres populaires, dont l’un des seuls survivants restant aujourd’hui me semble être la série télévisuelle. Des floppées d’épisodes, sur des saisons parfois interminables. Et pour quoi ? Je peux vous raconter qui est Dr House, qui est Buffy, qui sont les frères Winchester ou les soeurs Halliwell, ou le groupe d’amis d’Un Dos Tres, sans jamais pouvoir vous restituer avec exactitude leur intrigue, ou du moins, vite fait, le fil rouge. Ce n’était pas grave si on loupait un épisode (la télé ne permettait pas le replay à l’époque), on resituait quand même et on poursuivait avec le même plaisir. Tandis qu’aujourd’hui, les séries semblent davantage se baser sur l’intrigue, sur les ressorts du suspens. Il serait, je pense, impossible de regarder une série des années 2020 en mode “un épisode sur deux”. On souligne la force des plots, du scénario, des univers racontés, pour lesquels on a parfois besoin de s’équiper d’une encyclopédie, ou du moins d’un apprentissage préalable pour bien l’appréhender. Est-ce que tout ça est devenu beaucoup compliqué qu’avant ? Je l’ignore. Mais j’ai perdu cette saveur de la caractérisation très appuyée.
Car à mon sens, c’est là le coeur des sagas : raconter des personnages.
✨ Un côté PMU
Quand je commence un roman, que ce soit en lecture ou en écriture, j’ai l’impression de me retrouver dans un hippodrome. On checke les jockeys, on se renseigne sur les chevaux. Les paris lancés, on les voit s’élancer sur l’herbe au grand galop. Et on palpite à l’idée de savoir lequel franchira la ligne d’arrivée en premier. Certains sont mis hors jeu (généralement par la mort dans les romans, on ne va pas se mentir, c’est un ressort scénaristique confortable, pour ne pas dire trop facile, mais on en rediscutera dans une autre newsletter !), et même si ce n’était pas sur ceux-là qu’on avait parié, on ne peut pas s’empêcher d’éprouver un certain attachement.
Et je retourne voir la course, des mois, des années plus tard. J’ai l’impression de ne les avoir jamais quitté. Et même si la course ne dure qu’une poignée de secondes, j’ai le souffle coupé. Je vis à travers ces personnages qui traversent monts et marées, subissent les ires tant divines qu’écrivaines, et se réjouissent de leurs réussites d’épreuves. J’aime les voir se débattre avec leurs défauts, leurs erreurs, essayer de faire mieux, ensemble ou solo.
Quelque part, ça me prouve qu’à moi aussi, mon intrigue ne se résolvera pas à la fin de ce volume. Mon arc ne prendra pas fin cette année. Il y en aura d’autres, il y aura d’autres courses. J’aurai moi-même le droit à ma saison 2. Voire 3, si je suis renouvelée. Et j’ai le droit d’évoluer. De changer.
La saga retire le caractère d’immuabilité. Les personnages ne se cantonnent pas à un rôle simplifié pour qu’il soit immédiatement reconnaissable par le lectorat. On explore tant leur passé que leur futur, et c’est généralement la raison pour laquelle j’use et re-use du ressort des flashback. Je veux que les lecteurices comprennent aussi bien que moi que les personnages ne sortent pas de nul part. Leur psyché est complexe. Elle est modelée à partir de leur point de départ, de leur éducation, de leurs ambitions et de leurs peurs. Je veux des personnages palpables à même la page, qui oblige le lectorat qui referme la dernière page (se terminant évidemment avec un cliffhanger) à se demander : “que va-t-iel devenir ?”.
Sûrement est-ce faussé par mon propre vécu, mais je suis très rarement touchée par des personnages de one-shot au-delà de ma lecture. Des personnages qui me restent en tête, que je pourrais décrire, expliquer au niveau de leurs réactions. Auxquels je m’identifie. Il s’agira toujours de personnages de sagas. Est-ce que c’est parce que les one-shot obligent à aller à l’essentiel et à donner des présentations de surface, quitte à ce que ça soit cliché, pour conformer un personnage à son moule attendu ? La question reste entière. Même en ayant écrit des personnages dans le cadre d’un one-shot… mais avec l’envie, du moins l’idée lointaine, d’écrire des spins-off et des suites, car je sais que ces personnages ont encore une histoire qui se poursuit au-delà de l’intrigue d’un seul tome.
✨ Saquedeneu
Alors, si je vous parle du célèbre Pokémon spaghetti goût Schtroumph, c’est surtout pour vous modéliser l’idée de ma manière de visualiser les intrigues de mes personnages dans une saga. Tout s’emmêle. Parfois, ça se croise, pour mieux se séparer. Sur certains carrefours, même, ça fait des étincelles. Et d’autres… je m’emmêle les pinceaux !
C’est un peu mon souci, avec les sagas. Et pourtant, j’en ai écrit 3 : une de 4 volumes (les Fleurs d’Opale), une de 8 volumes et 2 spin-off (Ludo Mentis Aciem) et une autre de 4 (Persona). Les personnages ont tendance à s’accumuler. Le record allant largement à Ludo Mentis Aciem qui, au dernier décompte, approchait des 200 personnages nommés (principaux, secondaires ou tertiaires n’apparaissant qu’une fois). Certes, il y a ceux qu’on laisse derrière, mais, comme dans les courses hippiques, la ligne de départ sera toujours bien remplie. Et ALORS, je ne vous RACONTE PAS au moment du tome final, quand on se retrouve à réunir tout plein de personnages, parfois pour du fan-service (histoire d’éviter d’être assassinée fortuitement par une lectrice qui réclame le retour d’Isidore, N’EST-CE PAS), comme si chacun devait briller à sa manière sur ce grand dénouement. Quel beau bordel.
Ce que je préfère écrire, dans les sagas, ce sont les milieux. Les tomes intermédiaires. Le tome 1 sert généralement d’introduction. On balbutie encore dans les codes de l’univers, le lectorat apprend à connaître les personnages. C’est une mise en place, même si j’ai toujours eu à cœur de délivrer une intrigue claire dans chaque tome 1. En revanche, les tomes 2, je retrousse mes manches, fais craquer mes doigts et articule lentement avec un sourire sournois :
“Bon. Les cocos. Maintenant que vous me connaissez, que vous les connaissez… que les choses sérieuses commencent.”
J’ai toujours besoin de ce temps d’accommodation, j’aime pas que les intrigues se déroulent trop vite, de manière trop artificielle. Poser les enjeux me semble toujours essentiel. Même s’ils sont souvent limités dans les tomes 1. Avec… euh. Cette tendance, PEUT-ÊTRE, juste un peu, à l’hyperbole. Ce que je vous résume en ce meme :
Mais justement, ces actes finaux, je les redoute, sous tant d’aspects. Déjà, parce que je me sens beaucoup moins libre de mes “mouvements” en tant qu’autrice. Je suis une autrice qui n’est ni architecte ni jardinière, mais je me laisse toujours une marge de manœuvre pour un peu d’improvisation et me laisser guider par mes personnages. Arrivée à la fin, qui est souvent imaginée depuis le début, je n’ai plus le choix que de suivre les rails. Ou plutôt, d’obliger mes personnages à suivre les rails. Ce qui est tout de suite une autre paire de manches. Mais je m’amuse beaucoup moins. Certes, il y a la joie de la réalisation, mais j’ai beaucoup de mal à éprouver du plaisir dans l’acte d’écriture des actes finaux.
Est-ce pour cela seulement que je traîne des pieds sur mes derniers tomes ? Pas seulement. Au-delà de l’aspect purement plaisir, je prends conscience que cela signifie dire “au revoir” à ces personnages qui sont devenus si chers à mon cœur et qui ont accompagné mon quotidien pendant des années, voire une décennie toute entière pour certains. C’est me dire que je dois les lâcher. Et je n’en ai parfois pas envie. Surtout quand je sais très bien que leur arc se conclue sur des événements pas forcément très reluisants (à tout hasard, la mort. On attrape plus facilement la mort que le rhume dans les romans, sachez-le).
Certes, ces personnages ne me quittent jamais vraiment, tout comme ils ont imprégné le lectorat, et tout comme des personnages de sagas que j’ai lues me hantent toujours. Ils accompagnent des parcours et leurs épreuves scénaristiques portent des échos dans le quotidien. Leurs psyché ont permis une meilleure compréhension, parfois, de celles et ceux qui nous entourent, voire d’identifier mieux ce que nous-mêmes traversons. Ces personnages deviennent des fantômes, des esprits toujours présents pour peu qu’on les appelle, qu’on les invoque. Ma vie d’autrice, aujourd’hui, est peuplée de joyeux fantômes (heureusement, ils ne sont pas rancuniers).
✨ C’est une bonne situation, ça, autrice de sagas ?
Maintenant, on va aborder le côté épineux de : l’édition. Je vous vois déjà sortir le pop corn et il faut qu’on parle de tout ça.
Comme je l’ai expliqué plus tôt, j’ai été biberonnée aux sagas. Nous étions toutes les victimes des sacro-saintes trilogies de fantasy. Force est de constater que, paradoxalement, les sagas n’ont pas le vent en poupe dans l’édition aujourd’hui. Ou, du moins, on prend moins le risque de les publier. Pourtant, c’est ce qui marche le mieux (puisque ça fait vivre un livre, un univers, très longtemps), mais résumons ainsi : pour dix sagas publiées, une seule marchera du tonnerre de Dieu (les autres seront parfois publiées à perte) tandis qu’un one-shot a plus de chance d’atteindre ses objectifs premiers, ou en tout cas de remporter sa mise qui lui permet d’être rentable. Je ne sais pas si je suis claire… En gros, publier une saga est un risque, elle a de grandes chances de se planter, MAIS, si elle marche, c’est BANCO ! ; un one-shot, c’est moins de prise de risque, le livre peut bien marcher, mais sa durée de vie sera généralement moindre.
Une saga sera rarement rentable, à cause de ce qu’on appelle le phénomène d’attrition. Globalement, un tome 2 se vendra deux fois moins qu’un tome 1. C’est normal, c’est logique. Car beaucoup abandonneront en cours de route, n’auront pas accroché, juste, n’auront pas lu d’ici la sortie du suivant. De tome en tome, les ventes réduisent comme peau de chagrin, ce qui fait des sagas un très mauvais investissement pour les éditeurs (à moins d’un gros succès). Aujourd’hui, peu se mouillent au-delà de la duologie, qui a l’avantage de faire vivre le tome 1 plus longtemps, avec un effet rebond au moment de la sortie du tome 2, sans représenter un investissement considérable pour le lectorat et pour l’éditeur (on en parle des cycles interminables de Sanderson ou même de la Guerre des Clans ?).
J’ai du mal à considérer les duologies comme des sagas, de par les aspects narratifs. Mais là-dessus, c’est PUREMENT personnel. Je m’explique. Si le tome 1 représente l’introduction, le tome 2 représenterait déjà… le “grand” final ? Mais quelle grandeur peut-on donner à une histoire qui n’a pas eu le temps et l’espace pour grandir ? Je ne dis pas que les duologies ne marchent pas, au contraire, je pense qu’elles fonctionnent très bien, mais celles qui fonctionnent le mieux sont, au final, presque deux histoires indépendantes, dans le même univers, avec les mêmes personnages. Mais les duologies construites comme des sagas donnent l’étrange impression de retomber comme des soufflets mal cuits car la cuisine était trop rapide. L’intrigue n’a pas eu le temps de mijoter, les personnages n’ont pas eu assez le temps de galérer, et le final devient moins… impactant. L’exemple qui me vient à l’esprit est cinématographique, avec les deux saisons d’Arcane, très inégales sur le rythme et l’intrigue. Là où la saison 1 pose des jalons clairs et complexes, la saison 2 rushe. On a PAS LE TIME, on doit arriver à la FIN, qui pète des couleurs de tous les côtés, mais… cela n’aurait pas eu plus d’impact si on avait pu mesurer l’importance avec une saison 2 intense mais plus posée ? (même si je suis bien consciente qu’il y a eu des pressions sur le studio pour tout finir. Et d’ailleurs moi aussi, je vais en reparler… vous allez comprendre).
Avec tout ça, j’ai débarqué en 2016 avec une idée bien claire issue de cette constatation sur le fonctionnement de l’édition : PERSONNE ne voudra de ma saga de fantasy avec des tomes de 400k de mots, aka les Fleurs d’Opale. Et j’aurai TOTALEMENT compris. C’était des MONSTRES. Et moi-même ait du séparer les tomes en deux parties pour que ça rentre au format papier… Mon chemin vers l’auto-édition sera abordé dans une newsletter ultérieure, mais il faut retenir que oui, j’ai bien vu l’attrition aussi se produire à l’époque, même si la saga a très bien fonctionné. J’ai même du refaire tirer le tome II.2, ce que je n’aurai jamais cru possible. Il n’y avait finalement que moi pour porter cette saga. Elle a fait son petit bonhomme de chemin et aujourd’hui, 8 ans après la première parution, elle commence enfin doucement à s’essouffler. Cette saga a eu une très très belle vie.
Et puis, en 2021…
✨ Le cas Persona
Je reçois un fameux mail. Les éditions Hachette Romans, qui m’ont repérée grâce aux Fleurs d’Opale, souhaiteraient que j’écrive un livre de fantasy pour leur collection. Nous sommes deux mois après la parution du premier tome de la Passeuse de Mots, et clairement, il y a moyen de surfer sur la vague des sagas de fantasy.
Et moi, les sagas de fantasy, c’est ma spécialité. Je viens alors de terminer ma saga des Fleurs d’Opale, j’ai posé le dernier mot de LMA l’année d’avant… Alors je me dis que j’ai carte blanche. Que je vais construire le plus bel univers de fantasy, le monde le plus lumineux, peuplé des personnages les plus inoubliables, avec des messages forts pour la jeunesse, et j’ai créé Persona. Dès le départ, pour moi, la voie est claire : ça sera une trilogie. Minimum. Et je ne le cache pas, je l’explique même en retour mail. Car j’ai beaucoup de choses à raconter. Le tome 1 n’est qu’une voie d’entrée, avec son intrigue propre. Mais je vais aller beaucoup plus loin. Je ne suis pas bridée. Alors je me lance à corps perdu.
Quelques mois plus tard, une fois le manuscrit du tome 1 terminé, je signe les contrats. Les contrats des tomes 1 et 2. Par précaution. En tout cas, ça a été mon cas. Je sais que d’autres copines de cette ME ont signé des trilogies entières dès le début, je n’ai pas eu cet honneur. On m’a expliqué qu’on craignait aussi l’effet des tomes 2, intermédiaires, où il se passe rien. Mais si vous avez bien suivi ce que je disais avant, AU CONTRAIRE, les tomes 2 (et 3 s’il y en a 4) sont là où je m’amuse le plus, et ça se ressent.
Au moment de retravailler le tome 2 avant la publication, ma préparatrice de copie m’explique qu’on lui met un peu la pression pour que je close tous mes arcs. Que je mette le mot “fin” sur Persona, dès le tome 2. Alors que le tome 1 n’est même pas sorti. Je refuse. C’est catégorique. J’ai beaucoup de défauts : tête de bois en fait clairement partie (je suis aussi rancunière, râleuse et rapidement drama. Et selon mes proches, je suis kleptomane, car j’ai tendance à “emprunter” les objets qui ne sont pas utilisés). Il n’en sera pas ainsi. Au contraire, j’ai ouvert beaucoup d’arcs, de nouveaux concepts de l’univers dans le tome 2. Clore ça là a autant d’intérêt que de dire que le Seigneur des Anneaux se termine juste après le Gouffre de Helm. Il est, de mon point de vue, hors de question que je sacrifie tout ce que j’ai mis en place, que j’achève là l’arc à peine amorcé de mes personnages. Ca n’aurait pas été leur faire honneur et ME faire honneur, avec tout le travail que je venais d’abattre pendant 18 mois, tenant deadlines sur deadlines. Même si je pouvais comprendre que la ME soit frileuse et préfère vendre une duologie, moins dangereuse niveau prise de risque financier, il était bien trop tard pour faire marche arrière.
Ma préparatrice de copie me soutient : “fais comme toi tu l’entends. C’est TON livre”. Et il ne fallait pas me le dire deux fois.
Etait-ce une erreur de ma part de ne pas me plier à cette demande ? Je ne pense pas. J’aurais eu HONTE d’une saga ainsi amputée. Jamais je ne me le serais pardonné. Je préférais poursuivre, avec fierté, quoiqu’il advienne. Mais je savais donc, dès le début de l’écriture du tome 3, que j’allais traverser mon désert polaire. M’enfermer dans ma forteresse de solitude (et mon mari fan de DC Comics approuvera la réf). J’avais compris, dès la première ligne, que ce roman ne serait pas porté. A moins que le tome 1 cartonne dès sa sortie (spoiler, il est sorti en mars 2023, au plus haut de l’inflation). La faute à personne. Les exigences d’un monde du livre en surproduction, où seuls les titres qui marchent le mieux sont soutenus. Ce qui est, en soit, complètement logique.

Mais je me revois encore, à la soirée de lancement de Persona, dans les locaux de Babelio. Le présentateur qui me pose la question si ça sera en davantage de tomes. Moi qui réponds que ça sera une trilogie. Et mon éditrice qui secoue la tête ; parce qu’elle savait d’avance que ça serait plus… (elle me connaît bien).
Je me souviens exactement du jour de juin 2012 où j’ai ouvert le blog de LMA. J’annonçais de but en blanc : je me lance dans l’écriture d’une saga en sept tomes (le huitième ayant été gardé secret jusqu’au bout). C’était cocasse, c’était audacieux. Couillu, comme on dit (ovairu ? gonadu ?). Août 2020, 1.5 millions de mots plus tard, je posais le point final de cette histoire.
Je sais ce que je veux.
S’il y a bien quelque chose sur lequel je n’ai aucun doute, c’est en ta capacité à finir tout ce que tu entreprends.
Ces mots sont ceux de la directrice éditoriale quand je lui ai originellement présenté la trilogie en juin 2021. Et elle n’avait pas tort de le reconnaître. J’avais porté deux sagas jusqu’à la fin. Il n’allait pas en être différemment avec Persona, même si j’avais bien compris que les cartes étaient redistribuées.
Alors j’ai écrit mon tome 3, toute seule, dans mon coin. Avec le soutien de mon mari, de mes amis. Mais aussi de plein d’autres personnes, du milieu de l’édition/écriture ou pas. Des bêtas-lecteurices qui m’ont soutenue, m’ont aidé à bâtir cette suite, qui m’a été si douloureuse à écrire. Le tome 3 de Persona est clairement mon chemin de croix d’autrice. Mais puisqu’il traite spécifiquement du thème de la colère et de la solitude, je pense avoir par-fai-te-ment retranscrit les choses. Et, avec du recul, je le trouve même encore au-dessus du tome 2. Avis partagé avec les personnes l’ayant déjà lu. Et j’ai hâte de vous livrer ces lignes.
Ce tome 3 est devenu deux tomes, puisqu’arrivée au quart, le livre était déjà BEAUCOUP TROP FOURNI. J’ai pris conscience que je m’étais fourvoyée. Persona serait une tétralogie. Je l’ai longtemps nié (voir plus haut l’anecdote de la soirée de lancement), comme refusant de voir l’évidence, convaincue que je devais faire rentrer un oreiller dans un moule à gaufre, puisque déjà, j’aurais dû tout conclure sur le tome 2. J’en culpabilisais tellement. On me faisait déjà une fleur, mais en PLUS, j’étais une chieuse qui pondait un pavé supplémentaire. Mais non. Il fallait me rendre à l’évidence. J’ai lâché prise. Et tout s’est bien passé. C’était ainsi, je n’allais pas, une fois de plus, contraindre mon histoire.
Est-ce que je regrette mon expérience éditoriale de saga ? Absolument pas. Est-ce que j’en veux à Hachette Romans de ne pas avoir publié la suite ? Non plus, surtout si cela obligeait à dégrader la qualité de l’objet-livre ou de la distribution. Parce que je comprends la décision sur la base des ventes, même si, de mon strict point de vue, elles me semblent bonnes pour de l’imaginaire young adult. Mais je n’ai probablement pas les mêmes critères ou la même expertise. Donc non, je ne regrette pas l’expérience, qui m’a permis de rebondir autrement, et de me prouver que je suis capable de traverser des tempêtes, à l’image de mes jeunes héros. Oui, évidemment, je suis déçue, car ça ne s’est pas passé merveilleusement comme prévu. Mais je n’en suis pas morte. J’en suis sortie grandie. Plus endurcie. Cela m’a permis de me faire connaître, d’une certaine manière, à un public bien plus large. De réaliser quelques rêves. D’être invitée sur de grands événements, d’avoir une soirée de lancement, de voir mon titre être traduit à l’étranger ou même sortir en poche. Non, l’expérience, du tout. Je regrette simplement que la communication n’ait pas été claire, ou du moins transparente dès le départ. Qu’on se mette d’accord sur les conditions. J’ai été naïve, et peut-être que la ME était trop optimiste. I don’t know et c’est pas le moment de refaire le monde.
Aujourd’hui, je prépare la campagne Ulule pour les tomes 3 et 4. Les deux seront précommandables en même temps, et d’ailleurs, vous pouvez vous préinscrire sur ce lien. Ca va être incroyable ! Même format, même illustrateur ! Ma préparatrice de copie m’a suivie, je suis entourée d’une équipe de choc. ET : bonus, il y aura même un jaspage si on atteint certains paliers. Ils sortiront en avant-première lors du Salon du Livre de Wallonie… auquel je serai invitée officielle ! Eh oui, vous le découvrez en avant-première ! J’en suis toute excitée, c’est clairement l’un de mes salons préférés ! Sinon, hors campagne Ulule, le tome 3 sortira en décembre 2025 et le tome 4 en avril 2026. Les livres ne seront pas disponibles en librairies. Donc prémunissez-vous !
✨Finito les sagas ?
Depuis l’expérience Hachette Romans, on peut dire que je suis un peu vaccinée des sagas. Est-ce que j’en écrirai de nouveau ? Probablement. Mais pas tout de suite. Même si cette expérience m’a changée, en bien, il reste, malgré tout, un petit traumatisme, en tout cas, une perte de confiance évidente. Je ne me sens pas prête à proposer une saga si je n’ai pas de certitude que l’éditeurice sera prêt.e à me porter de A à Z. Je refuse de revivre ça de nouveau.
Alors, je me suis mise à écrire des one-shots. Et, croyez-moi, c’est SUPER COMPLIQUE pour moi. C’est tout une autre dynamique que de tout faire tenir en un livre. Offrir une vision à la fois succincte et complète de personnages. Pas trop nombreux, mais assez pour que le monde de ce roman ne paraisse pas complètement vide. Créer une intrigue cohérente et assez haletante en très peu de mots. Mais c’est formateur. Et j’ai aussi aimé l’expérience. Que ce soit avec Rosaces & Dragons, qui sort le 9 octobre 2025 chez Slalom, ou Serment de Noirceur, qui sortira en 2026 chez vous-savez-toujours-pas-qui (et que je dois absolument terminer ASAP !)
Je sais que je suis une autrice de saga. C’est mon origin story. La veine, le sang. Mais dans un monde qui ne prend plus le temps de se poser, qui refuse désormais d’attendre, de réfléchir, les sagas ont-elles vraiment encore leurs places ? Au milieu d’un booktok qui considère les sorties 2023 comme déjà des vieilleries ? Ou tout se renouvelle, tout le temps, trop vite.
Être autrice professionnelle, c’est prendre conscience de l’environnement professionnel, financier et juridique dans lequel on évolue. Est-ce encore permis de faire des caprices artistiques ou doit-on se plier aux exigences d’une industrie qui change à la vitesse-lumière, soumise aux diktats d’une littérature d’outre-Atlantique qui donne le la d’un domaine tout entier ? Le débat serait long et pourrait être recoupé avec une prochaine newsletter que j’ai hâte d’écrire sur les traductions et les modes anglosaxonnes de la littérature de l’imaginaire, et comment elle façonne, voire aliène, l’écriture francophone.
Tout ça pour dire :
Sagas, je vous aime. Mais je crois que le monde du livre tel qu’il est aujourd’hui ne souhaite pas voir notre amour exister…
✨En dédicaces, l’enfer des sagas
Avant de vous laisser, j’aimerais juste revenir sur un dernier point. Sur un débat qui est d’ailleurs à l’origine même de l’existence de cette newsletter, rappelez-vous ! Un débat qui portait sur : faut-il acheter les premiers tomes de sagas avant qu’elle ne soit complètement sortie ? Nell, puis moi, avions posté des TikTok et avons écopé de notre lot de mécontents, nous accusant de faire culpabiliser les gens et de rejeter la faute sur le lectorat plutôt que sur les maisons d’édition. Pourtant, c’est une réalité. Avec une faute partagée, certes, mais se retirer le poids d’une responsabilité, c’est aussi nier le poids d’un pouvoir que l’on peut exercer autrement.
Ne pas acheter le tome 1 d’une saga, en se disant “ah non, j’attends que tout soit sorti, car j’ai peur que la saga ne soit pas complète”, c’est jouer aux Cassandre. C’est saboter la saga avant même qu’elle n’ait eu sa chance dans la cour des grands. Et au final se donner raison.
Combien de fois en salon, on m’a posé la question si c’était un tome 1. Je n’ai jamais menti, tout en expliquant que le tome 1 possède sa fin d’intrigue et que donc la suite permet d’avoir le fil rouge si cela était suffisamment intriguant, ce qui permet au plus grand nombre de ne pas être frustré. Et qu’on me dise, EN FACE : “non désolée, j’attendrai qu’elle soit complète, même si elle m’intéresse beaucoup !”, en sachant que moi, derrière, en parallèle, je dealais avec mes incertitudes vis-à-vis de la poursuite de la publication. Ce n’était pas un “non merci” que je recevais. Mais un petit poignard en plus. Mais je n’ai jamais forcé. Ce n’est pas à moi de dire à des client.e.s qu’il faut ABSOLUMENT acheter le livre pour le bien de la saga. Alors, en digne poker face, j’ai souhaité la bonne journée et plein de belles découvertes littéraires, même si ce n’était pas sur mon stand.
Pas grave. Je fais autrement, maintenant. A ma manière. Et on verra où ça nous mènera. Je ne me mens pas à moi-même. J’amène ma saga jusqu’au mot “fin”. De la meilleure des manières. C’est la moindre des choses que je pouvais offrir aux personnages incroyables de Persona après tout ce qu’ils m’ont apportée.
Alors maintenant, si vous voyez le tome 1 d’une saga qui vous intéresse, pensez à moi. Pensez à Persona. Et dites-vous que votre petite goutte d’eau compte. Petit colibri éteindra, maybe, one day, l’incendie du capitalisme. Ouais, ouais, on y croit.
✨ Évènements
Pas beaucoup d’événements pour cette dernière partie d’année. Juste la 14ème édition du salon du livre de Coulommiers, dans le 77, le 21 juin !
Par contre, nous sommes en train de préparer avec Slalom une incroyable tournée de dédicaces pour octobre-novembre 2025, avec pas moins de 12 dates potentielles… Caen, Toulouse, Rouen, Reims, Lyon, Paris, Colmar, Le Mans… tenez-vous prêts ! Ca va être flamboyant ! 🔥🐉
Encore une fois, j'ai trouvé cette newsletter hyper intéressante et qui permet réflexion !
Et je m'attendais pas à voir Caen dans les potentielles dédicaces, je croise les doigts 🤞
Les sagas c'est vraiment une partie intégrante de moi en temps que lectrice et autrice, et ça me rend triste de voir que ça se vend de moins en moins bien 🥲
Pourtant il y a tellement d'avantages géniaux, que tu as bien listée d'ailleurs ! Je rajouterais le fait de pouvoir rester plus longtemps dans l'univers, parce que je trouve ça toujours agréable quand c'est un univers que j'aime bien, ça fait une petite safe place (où les perso meurent, donc pas si safe que ça 😂)