10 Commentaires
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Avatar de Océane N

Hello,

Merci beaucoup pour cette lettre et ces réflexions ! Je suis d'accord avec toi, sur la difficulté d'être visible en tant que francophone actuellement. J'ai pensé à plusieurs choses ennte lisant, j'espère réussir à être claire et ne rien oublier ^^

• Au sujet de la fantasy, je ne peux m'empêcher de penser que les anglo saxons ont plus de traductions et de visibilité parce qu'ils bénéficient, comme tu le dis, d'un grand plan de communication et de marketing à l'échelle mondiale, avant d'arriver chez nous. Je crois qu'il y a un autre facteur : l'élitisme à la française. Publier de la fantasy en France est très difficile (en dehors de la jeunesse / young adult) combien de maison ? Combien de collection dans des "grandes maison" ? Assez peu. Les rayons sont petits en librairie car c'est un genre considéré comme mineur et pas sérieux. Bon pour les enfants (comme si c'était négatif) et faire de l'argent.

• Pour continuer sur l'élitisme, en France il y a une certaine idée de la littérature, de ce qui est "bien" et "pas bien" et cela est déterminé par quelques personnes majoritairement à Paris. Comme tu as parlé de ton expérience personnelle, je vais partager ma réflexion tirée de mon expérience 😊 J'ai fait 2 ans d'alternance en librairie à Paris puis 2 ans en alternance en Master de commercialisation du livre. J'ai évolué dans cette ambiance d'entre soi littéraire parisien. Être auto édité c'était être raté, seuls les éditeurs savent ce qui est bien ou pas. Les librairies doivent tenir un standard, une image de la littérature à la française. J'étais convaincue de ça. Puis un jour j'ai quitté Paris, cet univers. Je suis devenue auto éditée, j'ai rencontré d'autres personnes, d'autres canaux et je me suis rendue compte de l'étroitesse et du manque de diversité dans les couloirs des maisons. Il y a autre chose que les problèmes des familles bourgeoises qui s'ennuient, il y autre chose que des textes "très contemporains" illisibles, il y a autre chose que "des feel good qui se vendent bien"... mais malheureusement l'édition se concentrent en 5 groupes qui veulent se tailler une plus grosse part du lion, vendre plus mais pas mieux. Il y a une sorte de course effrénée à la production sans réfléchir à la qualité - je ne dis pas ça pour hiérarchiser les livres. Il en faut pour tous les goûts, toutes les aspirations, mais parfois il n'y a eu aucun travail éditorial et je trouve ça honteux autant pour la maison que les lecteurs.

• Le travail editorial, la relation auteur-éditeur, existe t elle même encore ? Y a t il encore une volonté de construire quelque chose sur le long terme parce qu'on croit à un auteur ? Certainement encore dans quelques maisons, mais combien sur combien ? Et combien de risque peuvent-ils prendre ? Combien de temps peuvent-ils travailler avec l'auteur ?

• Pour en revenir à la fantasy, j'ai envie d'être optimiste. Il n'y a pas si longtemps, le polar et la BD étaient des sous genres, maintenant ils ont meilleurs presse. La fantasy devrait suivre 🤞

C'est extrêmement long, je ne sais même pas si j'ai tout dit 😂 mais merci encore pour cette lettre qui, j'espère, alimentera quelques réflexions 😊

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Avatar de Ielenna

C'est vraiment une excellente remarque ! C'est un aspect que je n'ai effectivement pas abordé, mais on peut se questionner aussi sur la place que la littérature française laisse à sa propre littérature de l'imaginaire en la catégorisant de sous-littérature.

Et le lien entre auteur et éditeur mériterait sa propre lettre, je te rejoins aussi là-dessus...

Merci d'avoir partagé tout ça ici !

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Avatar de Océane N

Tout à fait et cela rejoint tes questionnements. Comment faire exister et rayonner cette littérature de l'imaginaire française si on ne croit pas en ses qualités intrinsèques ?

Hâte de lire d'autres lettres !

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Avatar de La_Dystopique

Purée j'ai pensé exactement la même chose ! Peut-être que c'est une vision biaisée du marché anglophone mais j'ai vraiment l'impression que l'imaginaire et la romance sont valorisés là-bas, là où chez nous c'est boudé car considéré comme de la basse littérature (si encore c'est considéré tout juste comme de la littérature...). Cet élitisme de vouloir des ouvrages transcendants bons pour candidater pour le Goncourt (qui par ailleurs est un prix ultra discutable tant il se délivre en fonction des relations qu'on entretient avec Pierre Paul Jacques et l'ami de bidule qui est directeur de collection chez Machin...) est vraiment à vomir. La littérature de l'imaginaire (et la romance de même, je mets dans le même panier parce que j'ai vu des dingueries à ce sujet), est vraiment considérée par beaucoup comme moins qualitative que la littérature générale. Alors que ça n'a juste rien à voir, c'est absolument incomparable ! J'ai pas du tout l'impression qu'aux US ou en GB ils ont cette même considération, ça doit certainement jouer sur le contraste entre la réception des trad anglophones et notre propre production...

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Avatar de Océane N

Je ne my connais pas assez en romance, mais pour l'imaginaire c'est carrément plus valorisé ! Leurs auteurs de l'imaginaire sont tout aussi mis en avant et considérés 😊

(Le goncourt c'est tout à fait ça)

Y a un essai SUPER INTÉRESSANT qui s'intitule "la littérature en péril" que j'ai adoré parce qu'il peste contre la façon dont la littérature est enseignée et étudiée en France au détriment du plaisir, du partage et de ses bienfaits. Mais on s'éloigne 😆

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Avatar de La_Dystopique

C'est fou cet écart... Oh merci pour la recommandation sur l'essai, je prends note, j'irai jeter un œil ! C'est clair que la manière dont on enseigne la littérature n'aide pas du tout à faire apprécier la lecture et le parallèle entre les ados qui du coup se mettent à détester les grands classiques et la lecture, au profit de format comme le manga ou des littératures de l'imaginaire, ça fait bouder celleux qui ne jurent que par la "grande et sacro-sainte littérature française"... C'est se tirer une balle dans le pied, mais effectivement on s'éloigne un peu du sujet xD

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Avatar de Cristalya

Une très chouette newsletter ! Et je n'y avais même pas réfléchi, effectivement, on retrouve très peu voire pas de SFFF non anglo-saxonnes dans les trads alors qu'elles sont très certainement tout aussi riches !

Par rapport au petit passage sur les collectors à foison qui sont en partie achetés juste pour leur visuel : je faisais partie des personnes qui avaient envie de voir ces beaux reliés comme on voyait dans l'édition anglo-saxonne, et aujourd'hui, j'en suis finalement revenue. C'est très chouette, on a enfin accès à de magnifiques éditions, mais on en a tellement maintenant ! Et il coûte souvent une blindax (d'ailleurs, les ME qui ne sortent que la version reliée à 25€, je ne vous apprécie pas trop). J'en suis arrivée à réagir en "Allez, un de plus, encore un..." quand on a l'annonce d'un énième collector pour un livre sorti il y a déjà des années 😐.

A côté, je vois timidement des ME proposer petit à petit des poches avec de très jolies couvertures, et qu'est-ce que ça fait plaisir !

Ce serait tellement chouette de voir des mises en avant avec autant de francophones que de traductions !

Du côté des prix littéraires, je regrette notamment la disparition du PLIB qui s'essoufflait malheureusement (non pas du fait des organisatrices) et qui pourtant faisait la part belle à la SFFF francophone et grâce auquel j'ai pu faire de très chouettes découvertes !

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Avatar de Jeanne
May 25Modifié

Tout d'abord, merci pour cette réflexion! Je suis d'accord avec plusieurs points, mais pas avec tous... Alors, mon modeste apport pour poursuivre cette discussion passionnante :

Pour ma part, je suis née dans les années 80 et j'ai le souvenir que la littérature jeunesse était déjà foisonnante. Je lisais du francophone comme des traductions, bien avant Harry Potter. Le seul "manque" de la littérature jeunesse francophone de l'époque, c'est qu'elle était moins catégorisée que l'anglophone, et il n'y avait par ex pas de créneau spécifique Young Adult. Pour ça, il fallait que je me tourne vers des traductions.

Je suis assez gênée par le sous-entendu selon lequel ACOTAR serait plus "féministe" que la romance paranormale et la bit lit qui auraient eu du succès dix ans plus tôt. Pour moi, c'est réécrire l'histoire et invisibiliser tout un pan de la littérature féminine d'alors. Ça fait quand même des décennies maintenant qu'on a des autrices ouvertement féministes en romance; et, si l'héroïne badass nous semble si cliché aujourd'hui, c'est justement parce que ça fait longtemps qu'elle existe (je viens justement de finir le premier tome de la série Kate Daniels, qui date de 2007, et l'héroïne éponyme en est l'archétype). À mon avis, le succès d'ACOTAR s'explique surtout par le fait d'avoir su plaire à nouvelle génération de lectrices, qui n'avaient donc, par définition, pas connu la vague précédente de fantasy urbaine féminine... et non par le fait que ce serait une version "enfin féministe" de la fantasy.

De même, Le Prieuré de l'oranger n'était pas du tout le premier titre de la maison d'édition De Saxus. À la base, ils publiaient des auteur-ices francophones en thriller et fantasy/fantastique. Mais c'est évident que ce titre-là les a fait passer à un autre niveau de notoriété et, certainement, de chiffre d'affaires; à partir de là, ils ont vu le filon et ils l'ont suivi...

Sinon, par rapport au fait que les traductions représenteraient le meilleur de la littérature anglophone, c'est vrai seulement en partie. Car ça signifierait que le succès commercial est exactement proportionnel à la qualité ou l'intérêt d'un livre, et je pense qu'on sait à ce stade que ce n'est pas le cas. Perso, je ne lis plus aucune traduction de l'anglais, car je lis directement en VO, et je peux attester qu'il y a des perles qui passent loin sous le radar de Booktok et des ME francophones, et ne sont hélas jamais traduites. (En fait, la plupart des bouquins anglophones contemporains que je recommanderais, à titre personnel, ne sont pas traduits en français.)

Selon moi, c'est surtout que les auteur-ices anglophones ont, plus souvent, une approche plus franchement commerciale que les francophones. Iels comprennent ce que signifie "écrire pour le marché" et iels le font. Ça rejoint un peu ton point sur l'amateurisme des francophones; mais moi, je l'étendrais à l'écriture même, et pas juste à la com' et au marketing. (On peut dire que c'est le cheval de bataille de mon Substack, d'ailleurs.) Les francophones débarquent avec leur idée qu'iels pensent originale, et estiment que ça *doit* intéresser du monde; souvent, sans s'être intéressé-es au préalable à ce que les lecteur-ices recherchent réellement dans leurs lectures, et comment les combler.

Et, encore une fois, je ne prétends pas que cibler ce que les gens aiment, ou te contenter du plus petit dénominateur commun qui rendra ton livre accessible au plus grand nombre, soit en soi un gage de grande qualité. Disons que ça fait des romans commerciaux qui marchent très bien. Dans le lot, certains sont meilleurs que d'autres... ou devrais-je dire : certains sont pires que d'autres? (Je pense à un épisode de podcast entendu récemment, où les intervenantes discutaient de Fourth Wing, qu'elles reconnaissaient pourtant toutes deux avoir dévoré : "It's a fantasy book for people who don't read fantasy. It's a sexy book for people who've never read a sexy book. It's a book for people who don't read.")

Enfin, pour aller à la fois dans ton sens et le mien, j'aimerais aussi partager un article de Clémentine Beauvais, une autrice jeunesse qui écrit autant en français qu'en anglais, article que j'avais trouvé édifiant (il date de 2016) : Contre le french-bashing en littérature jeunesse. https://clementinebleue.blogspot.com/2016/07/contre-le-french-bashing-en-litterature.html

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Avatar de Chemin d'imaginaires

Amen ! Combien de fois j'ai dit aux copines que j'aurais dû prendre un pseudo anglophone ! (Alors que je publie sous mon vrai nom). Je fais partie d'une ME que tu cites et je compte dans les sorties le nombre d'auteurices franco (aans doute un peu par masochisme...). Je me fais aussi avoir avec les pseudo, mais il arrive qu'il n'y ait pas de francophones dans les sorties, et je trouve ça affligeant. Et injuste. On est en concurrence pour une petite place au catalogue et derrière, on voit clairement que moins de moyens sont alloués pour nos sorties. Alors que ce sont nos titres qui ont besoin qu'on fasse des efforts, pas les titres anglo-saxons déjà populaires. Et quand en plus on n'écrit pas ce qui est à la mode... Certains jours, c'est décourageant...

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Avatar de François Milleni

L'idée du quota de livres français, c'est un truc qui m'avait effleuré aussi en me disant que ce serait bien que ce soit appliqué aux maisons d'édition pour favoriser les chances des auteurices, trop souvent invisibilisés et dont le chemin est pavé d'embûches

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